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Devoir de vigilance des entreprises du pays : les lignes bougent


L’étude commandée par le ministère des Affaires étrangères «apporte la preuve qu’une loi nationale est à la fois bien fondée et réalisable», ont déclaré les membres de l’Initiative pour un devoir de vigilance. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Une étude récente vient confirmer l’intérêt de légiférer au niveau national sur le devoir de vigilance des entreprises. Les organisations de la société civile saluent une avancée.

Des voisins qui votent des lois contraignantes en matière de devoir de vigilance des entreprises, 92 % de la population et 32 entreprises luxembourgeoises favorables à l’introduction d’une telle loi au Grand-Duché, tout comme des députés issus de tous les partis, et désormais une étude commandée par le ministère des Affaires étrangères lui-même qui vient en confirmer la faisabilité, voire l’intérêt… La pression se fait de plus en plus grande sur le Luxembourg, de surcroît candidat à un siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, pour que soit introduite une loi nationale contraignant les entreprises domiciliées ici à respecter les droits humains et l’environnement tout au long de leurs chaînes de valeur.

Les choses pourraient-elles enfin bouger? C’est en tout cas ce qu’espèrent les 17 organisations de la société civile regroupées autour d’une Initiative pour un devoir de vigilance et qui se battent depuis plusieurs années déjà pour l’introduction de cette loi, les approches volontaires ne suffisant pas. Par le biais de leurs porte-parole, elles ont salué mardi au cours d’une conférence de presse cette étude du Dr Basak Baglayan de l’université du Luxembourg publiée fin avril et disponible sur le site du ministère des Affaires étrangères, qui évalue la possibilité de légiférer en la matière. L’Initiative a également accueilli très positivement la création d’un comité interministériel dans la foulée de la publication.

«Grâce à la publication de cette étude, nous allons entrer dans une phase beaucoup plus constructive et allons pouvoir nous concentrer sur le contenu d’une éventuelle législation», s’est réjouie Antoniya Argirova, responsable plaidoyer pour Action solidarité tiers monde. En effet, pour l’Initiative, cette étude «apporte la preuve qu’une loi nationale est à la fois bien fondée et réalisable. La législation profitera non seulement aux personnes affectées par les activités économiques mais également aux entreprises et à notre pays.»

L’Initiative cite à cet égard l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), dont les arguments sont également repris dans l’étude du Dr Baglayan : le devoir de vigilance peut en effet permettre aux entreprises d’identifier les possibilités de réduction des coûts ou renforcer la gestion des risques, mais aussi offrir une meilleure perception de l’entreprise, tant d’un point de vue interne qu’externe, «ce qui entraîne d’autres avantages tels que de meilleures recommandations des analystes ou une diminution du coût du capital (…), la capacité accrue à retenir et à attirer les talents, l’augmentation de la productivité (etc.)».

De plus, l’étude rappelle qu’aucune preuve n’est établie démontrant que l’adoption de ce type de loi engendrerait une migration des prestataires de services financiers vers un autre pays. Au contraire, l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en France, en 2017, «contrairement à ce que les critiques ont pu suggérer (…), ne semble pas avoir affecté la compétitivité internationale de la France; le pays a attiré un niveau record d’investissements directs étrangers après son adoption».

«Un impact réel»

«C’est très important que toutes les décisions prises au Luxembourg prennent en compte l’impact que cela peut avoir sur les populations du Sud : accaparement des terres, violations des droits humains… L’espace citoyen y est de plus en plus restreint, et c’est souvent lié aux activités du secteur privé», rappelle Véronique Faber, responsable plaidoyer pour le Cercle de coopération des ONGD.

L’Initiative met donc en garde : pour être conforme aux Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits humains, si loi nationale il y a, celle-ci devra couvrir «tous les droits de l’homme internationalement reconnus» (et pas seulement le travail des enfants par exemple, comme c’est actuellement le cas aux Pays-Bas). Elle doit en outre évidemment avoir «un réel impact», a insisté Antoniya Argirova : mesures de contrôle et garantie de responsabilité doivent être prévues dans le texte.

Tout comme l’auteure de l’étude, l’Initiative estime toutefois qu’une différence devra être faite «en fonction de la taille ou de la capacité des entreprises». Les PME ne devraient ainsi pas subir les mêmes contraintes que les multinationales, comme l’explique Jean-Louis Zeien, le président de Fairtrade Lëtzebuerg : «Le principe de proportionnalité est très important. Les moyens et le pouvoir économique sont différents entre les deux types d’entreprises.»

Tatiana Salvan

Action postale

Les 17 organisations de la société civile qui constituent l’Initiative pour un devoir de vigilance invitent la population à interpeller le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, afin qu’il introduise une loi nationale contraignante sur le devoir de diligence des entreprises. Elles distribuent gratuitement à cet effet des cartes postales préremplies adressées directement à Jean Asselborn sur lesquelles est dessinée une caricature du ministre. Il suffit de les signer et de les affranchir. La liste des organisations est à retrouver sur www.initiative-devoirdevigilance.org.