Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, s’est dit « faussement accusé et détenu de manière injuste », lors de sa première comparution devant un juge, près de deux mois après son arrestation surprise à Tokyo.
Le magnat de l’automobile de 64 ans, qui a subi une chute brutale après être devenu un personnage tout-puissant, s’est défendu d’une voix claire et forte, sans montrer d’émotion, au cours d’une audience qui a attiré les médias du monde et de nombreux curieux. Vêtu d’un costume sombre, sans cravate, sandales vertes en plastique aux pieds, il est apparu amaigri, les joues creuses, menotté, avec une corde autour de la taille avant le début de la séance qui a duré quasiment deux heures.
S’exprimant en anglais, il a rappelé avoir dédié « deux décennies de sa vie à relever Nissan et bâtir l’alliance », une entreprise qu’il dit aimer. Le dirigeant franco-libano-brésilien affirme « avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l’approbation des dirigeants de la compagnie », selon une déclaration écrite qu’il a lue. Le juge a justifié de son côté son maintien en détention par un risque de fuite à l’étranger « où il a des bases » et d’altération de preuves.
La procédure de comparution de ce type est rare, seulement 0,6% des détenus ont fait une telle requête l’an dernier. Elle n’a quasiment aucune chance de changer le cours des choses mais la portée symbolique est forte pour Carlos Ghosn, qui a pu rompre le silence médiatique dans lequel il était muré depuis plusieurs semaines.
Son équipe d’avocats menée par un ancien procureur, Motonari Otsuru, va déposer une demande de fin de détention pour son client qui est actuellement en garde à vue jusqu’à vendredi sur les soupçons d’abus de confiance. Il risque cependant une nouvelle inculpation sur ces faits, a confié Motonari Otsuru à la presse. Le cas échéant, cela déclencherait le début d’une nouvelle période de détention provisoire, venant se superposer à celle déjà en cours suite à sa première mise en examen le 10 décembre pour dissimulation de revenus.
Une « cabale » de Nissan
Après des espoirs déçus en décembre, peut-il malgré tout être relâché sous caution ? « De manière générale, dans les cas de déni total des accusations d’abus de bien confiance, la libération sous caution n’est le plus souvent pas approuvée jusqu’à l’ouverture du procès », qui ne devrait pas intervenir avant six mois au moins, a déclaré l’avocat. La longueur de sa détention étonne à l’étranger où certains s’offusquent de la dureté du système judiciaire japonais. Ses proches aussi se sont indignés.
Deux de ses filles, interviewées par le New York Times, s’interrogeant sur une « cabale » de Nissan afin de contrer un éventuel projet de fusion avec Renault. Ce scénario est réfuté par le constructeur japonais qui dit n’avoir eu d’autre choix que de « mettre fin aux graves agissements » de celui qui l’avait naguère sauvé. L’affaire est partie d’un ou plusieurs lanceurs d’alerte au sein du groupe, qui a mené l’enquête dans le secret pendant plusieurs mois avant de transmettre les informations au parquet, lequel a parallèlement conduit ses propres investigations. Plusieurs centaines de salariés de Nissan sont toujours mobilisés et chaque semaine ou presque, de nouveaux soupçons filtrent dans les médias.
« L’enquête de la compagnie se poursuit, et son champ continue de s’élargir », a répété la compagnie mardi, disant que sa décision de limoger Carlos Ghosn était irrévocable. Face à cette avalanche d’accusations, Renault a pour l’heure fait profil bas, choisissant de maintenir sa confiance à Carlos Ghosn. Mardi, la direction de la marque au losange n’a pas souhaité faire de commentaire, tandis que l’État français, actionnaire de Renault, réitérait « le principe de présomption d’innocence ».
LQ/AFP