Deutsche Bank entrevoit le bout du tunnel dans le traitement des coûteuses affaires judiciaires et envisage le futur avec plus de sérénité après deux années de pertes, a déclaré jeudi son patron face aux actionnaires réunis en assemblée générale.
« Même si des affaires demeurent : nous pensons que le pire est derrière nous », a déclaré le président du directoire John Cryan, à la tête de la banque depuis mai 2015.
A ce jour, la banque a dû payer plus de 13 milliards d’euros d’amendes à la suite d’une litanie de scandales financiers, pour l’essentiel causés par les excès dans la banque d’investissement et dont l’origine remonte à la période avant la crise 2007.
Si la banque reste impliquée dans environ 8.000 affaires, le membre du directoire en charge des questions juridiques, Karl von Rohr, évoque 11 cas concentrant la plupart des risques.
Pour se couvrir, la banque dispose de 3,2 milliards d’euros de provisions à son bilan.
Chahuté par certains petits actionnaires, qui ont demandé sans succès sa révocation comme président de l’assemblée, le président du conseil de surveillance, Paul Achleitner, est candidat pour un nouveau mandat.
Sa position a vacillé ces derniers mois après des allégations sur son manque supposé de coopération avec des autorités dans l’affaire de manipulation du taux interbancaire Libor, dans laquelle la banque était un temps engluée.
Dans cette affaire, Deutsche Bank avait payé en avril 2015 une amende de 2,5 milliards de dollars aux autorités britanniques et américaines.
Une cohorte d’experts mandatés par le directoire est toutefois parvenue à la conclusion que Paul Achleitner n’avait pas manqué à ses obligations, a fait savoir Karl von Rohr, membre du directoire en charge des questions juridiques.
Deutsche Bank s’est par ailleurs penché sur la question de savoir « si les membres du directoire en poste en leur temps doivent porter une responsabilité personnelle ou collective pour les fautes du passé », a déclaré Paul Achleitner.
Ces discussions pourraient aboutir à « une contribution financière notable » des intéressés, a-t-il précisé, recueillant des applaudissements parmi 3.600 actionnaires présents.
Les ex-dirigeants potentiellement visés sont notamment le suisse Joe Ackermannn, à la tête du groupe de 2002 jusqu’à mai 2012, et le duo de successeurs, l’allemand Jürgen Fitschen et l’anglo-britannique Anshu Jain.
Leurs droits sur d’anciennes primes variables non encore versées pourraient être annulés.
Mais pour la banque, il importe avant tout de restaurer son image et retourner durablement aux bénéfices grâce à une stratégie payante.
« Deutsche Bank veut incarner l’intégrité et la crédibilité. Cet objectif n’est pas négociable », a martelé John Cryan.
Les actionnaires, dont la patience est à bout, veulent y croire.
« Les dix dernières années ont été dix années perdues (…) pour nous autres actionnaires », a sermonné Klaus Nieding, pour l’association de minoritaires DSW.
« Une demi-douzaine d’augmentations de capital pour plus de 30 milliards d’euros ont juste permis à combler les trous dans le bilan », a pointé Ingo Speich, chez Union Investment, qualifiant aussi le parcours du cours de bourse de « désastre ».
L’action a perdu près de 90% entre mai 2007 et l’automne 2016, quand elle s’est retrouvée sous les 10 euros. Elle s’est reprise depuis, cotant autour de 16,90 euros ce jeudi, et la confiance des investisseurs est peu à peu revenue comme en témoigne l’augmentation de capital réussie de 8 milliards d’euros en avril.
Après les 8,2 milliards d’euros de pertes pour 2015 et 2016, l’établissement a réalisé un gain net de 575 millions d’euros à fin mars 2017.
Avec la banque de détail, la banque d’investissement et la gestion d’actifs, « nous pouvons nous occuper de croître dans tous nos secteurs et dans les grandes régions », a assuré John Cryan.
Le Quotidien / AFP