L’entreprise canadienne NorthStar, qui se dédie à la surveillance de l’espace depuis l’espace lui-même, établit son siège européen au Luxembourg.
C’est une véritable constellation d’entreprises dédiées au secteur spatial qui commence à se former au cœur du petit Luxembourg. La société NorthStar Earth & Space, initialement basée à Montréal, au Canada, et qui possède un bureau américain à Washington, vient en effet d’annoncer l’établissement de son siège européen au Grand-Duché.
Le lieu précis sera communiqué plus tard, «au cours du premier trimestre 2022», a indiqué son PDG et fondateur, Stewart Bain, au cours de la conférence de presse qui s’est tenue vendredi au ministère de l’Économie et pour laquelle Stewart Bain a spécialement traversé l’Atlantique.
NorthStar est le premier service commercial de surveillance de l’espace à partir de l’espace lui-même, alors que la surveillance des objets spatiaux se fait encore principalement à partir de données terrestres.
Pour mener à bien cette mission, NorthStar compte se doter de plusieurs satellites pourvus de capteurs optiques, qui observeront l’espace proche de la Terre et participeront ainsi à la connaissance de la situation spatiale ou Space Situational Awareness (SSA). Cela permettra de fournir en temps réel des «données précises et pertinentes quant au trafic spatial, quant à l’évitement des collisions et quant à la navigation», a précisé le ministère de l’Économie, qui avait annoncé le partenariat dès décembre 2019.
Des centaines de milliers de débris dans l’espace
En 60 ans d’activité spatiale et plus de 5 500 lancements, on estime en effet à environ 25 000 le nombre d’objets de plus de 10 centimètres qui gravitent autour de la Terre : fusées anciennes, morceaux de satellites restés en orbite après explosion, satellites entiers en fin de vie… En prenant en compte des objets inférieurs à 10 cm, le nombre de débris incontrôlables qui pourraient mettre en péril l’économie spatiale s’élève à au moins 750 000 et ne cesse d’augmenter.
Le tir de missile antisatellite effectué par la Russie à la mi-novembre a à lui seul généré plus de 1 500 débris orbitaux traçables (et probablement des centaines de milliers de débris plus petits, selon des membres de l’Agence spatiale européenne).
Or ces déchets, qui gravitent à la vitesse folle de 28 000 km/h, présentent un risque sérieux de collision, pouvant mettre à mal sinon détruire les satellites opérationnels et donc leurs services (météorologie, GPS, observation de la Terre…). Mais ils peuvent également générer d’autres débris, provoquant une réaction en chaîne inarrêtable (c’est le syndrome dit «de Kessler»).
Le repérage précis de ces objets et la prédiction de leur position sont donc indispensables pour assurer la sécurité du matériel, mais aussi celle des vols spatiaux. À cause du tir russe par exemple, les astronautes à bord de l’ISS avaient dû interrompre leurs manœuvres et se réfugier dans leurs vaisseaux pour se préparer à une éventuelle évacuation d’urgence.
Cinquante-deux satellites déployés
NorthStar se propose donc de fournir ce service de suivi des objets gravitant dans l’espace, y compris pour des objets faisant «1 cm» d’après son patron, permettant ainsi à d’autres sociétés d’exploiter en toute sécurité leurs satellites. En minimisant les risques de collision, réduisant de fait la casse et la création de nouveaux débris, la compagnie se prévaut de participer à la durabilité de l’environnement spatial.
À cette fin, NorthStar se dotera de 52 satellites, qui seront déployés en deux phases. Au cours de la première, 12 satellites seront envoyés dans l’espace. Ceux-ci sont «actuellement en production», a fait savoir Stewart Bain. «Grâce à une vue complète de toutes les orbites proches de la Terre, les satellites de NorthStar fourniront des observations plus fréquentes et plus précises des objets spatiaux résidents que tout autre système actuel», certifient les responsables de l’entreprise.
Par la suite, 40 autres satellites pourvus de capteurs optiques supplémentaires et d’une combinaison de capteurs fonctionnant dans l’hyperspectral et l’infrarouge seront également envoyés dans l’espace. L’entreprise escompte ainsi, avec la compilation de diverses autres données, «surveiller, suivre et créer un index de centaines de milliers d’objets» et utilisera pour cela des installations locales, tel Meluxina, le superordinateur luxembourgeois.
«L’exploitation de tout le potentiel que l’espace peut offrir aux générations futures dépend entièrement de la fourniture de services commerciaux transformationnels pour assurer la sécurité et la durabilité des orbites proches de la Terre», a insisté Stewart Bain, comparant à plusieurs reprises l’aventure spatiale avec le camping, où il convient de laisser le terrain tel qu’on l’a trouvé.
NorthStar est actuellement en discussion avec une «douzaine» de clients potentiels, a indiqué son PDG, qui ne peut à l’heure actuelle révéler aucun nom. La plateforme luxembourgeoise, qui travaillera sur le développement de produits et le développement des affaires, devrait quant à elle employer «au moins cinq personnes d’ici la fin 2022» : des commerciaux pour promouvoir les produits ainsi que des opérateurs, ingénieurs et scientifiques, pour développer et optimiser les produits.
Le Luxembourg investit massivement
De nombreux atouts ont séduit les dirigeants de NorthStar pour établir une nouvelle base au Grand-Duché : «L’histoire spatiale est connectée au Luxembourg. La vision, le courage et les efforts de ce pays pour créer, entre autres, SES (NDLR : le premier fournisseur de services de télécommunications par satellites au monde) et d’autres compagnies sont vraiment inspirants», a déclaré Stewart Bain.
Surtout, le Luxembourg Future Fund (LFF), le fonds d’investissement luxembourgeois, et Telesystem Sapce Inc. vont coinvestir quelque 40 millions d’euros dans NorthStar, un investissement qui va permettre «de faciliter le lancement des services SSA spatiaux», a remercié Stewart Bain. Le gouvernement luxembourgeois financera également les activités locales de l’entreprise par le biais de son programme LuxImpulse (géré par l’Agence spatiale luxembourgeoise – la LSA) et d’autres subventions de recherches et développement.
«L’approche de NorthStar ouvre la voie à un avenir plus sûr et plus durable dans l’espace», a commenté le ministre de l’Économie, Franz Fayot. «Le Luxembourg a une réputation de longue date de pionnier dans la mise en place de partenariats avec des entreprises spatiales qui développent des avancées technologiques et innovantes favorisant des activités durables, tant dans l’espace que sur Terre. L’investissement dans NorthStar favorise davantage la croissance et le développement durables et continus des compétences spatiales du Luxembourg.»
Tatiana Salvan