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Des pistes concrètes contre l’évasion fiscale


Les eurodéputés Michael Theurer, Elisa Ferreira et Alain Lamassoure avec le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna,le 18 mai 2015 lors d'une visite de la commission spéciale TAXE du Parlement européen au Luxembourg. (Photo : DR)

UE Après le scandale LuxLeaks, le Parlement européen demande à la Commission européenne des mesures empêchant les multinationales d’échapper à l’impôt et une meilleure protection des lanceurs d’alerte.

La commission spéciale TAXE du Parlement européen, mise en place après les révélations du scandale LuxLeaks, a rendu, mercredi, son rapport final. Elle préconise notamment l’établissement d’une liste noire des paradis fiscaux, une protection des lanceurs d’alerte et l’obligation pour les multinationales de payer leurs impôts dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices.

La commission spéciale TAXE du Parlement européen a formulé, hier, ses recommandations finales à la Commission européenne afin de lutter contre l’évasion fiscale massive. Ses conclusions ont été rendues, jour pour jour, une semaine après la condamnation à des peines de prison avec sursis des deux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks. Ce sont leurs révélations et la divulgation par des médias du monde entier qui ont entraîné la mise en place de cette commission spéciale présidée par l’élu conservateur français Alain Lamassoure.

Malgré ses pouvoirs d’investigation limités, la commission spéciale TAXE dresse une liste des mesures à prendre pour empêcher l’optimisation fiscale agressive des multinationales et le dumping fiscal des États membres, tel qu’il a par exemple été pratiqué par le Luxembourg par le biais des rulings.

Sanctions contre les pays non coopératifs

Composée de 44 eurodéputés issus de toutes les sensibilités politiques du Parlement européen, la commission demande en priorité l’établissement d’une liste noire des paradis fiscaux, un rapport comptable accessible au grand public des multinationales pays par pays, la création d’un registre public européen des bénéficiaires effectifs des entreprises ou encore des sanctions contre les pays qui ne coopèrent pas en matière fiscale.

Un point majeur des conclusions de la commission spéciale TAXE porte sur la mise en place d’une assiette commune consolidée d’impôts sur les sociétés (ACCIS), afin que toutes les entreprises payent leurs taxes sur la même base. Pour rappel, les rulings pratiqués par l’administration fiscale luxembourgeoise permettaient à des multinationales comme IKEA, Google ou Disney de n’être imposées que sur une petite partie de leurs bénéfices. Rapporté à leurs gains réels, leur taux d’imposition ne dépassait pas 5 %, certaines payant moins de 1 % d’impôt sur des bénéfices de plusieurs centaines de millions d’euros, parfois des milliards.

Un autre volet porte sur la protection des lanceurs d’alerte qui devront être mis à l’abri des poursuites judiciaires, exige la commission. Cette mesure aurait évité à Antoine Deltour et Raphaël Halet, deux anciens employés de PWC, d’être poursuivis et condamnés devants le tribunal correctionnel de Luxembourg.

L’objectif final de ces recommandations, qui doivent guider l’action de l’exécutif bruxellois, est de parvenir à davantage de justice fiscale en obligeant les multinationales à payer leurs impôts dans les pays où elles réalisent leurs activités et leurs bénéfices.

«Un arrière-goût amer»

Rapporteur de la commission et vice-président du Parlement européen, l’eurodéputé libéral allemand Michel Theurer a déploré la condamnation des lanceurs d’alerte alors que les multinationales qui s’étaient soustraites à l’impôt demeurent impunies. Il a jugé que toute cette affaire laisse un «arrière-goût amer», car tous les État membres étaient informés de la pratique industrielle des rulings menée par le Grand-Duché sans qu’ils puissent ou veuillent s’y opposer. «Mais nous n’arrivons pas à dégager les véritables responsabilités politiques» dans cette affaire, a ajouté l’élu.

Les travaux du Parlement européen sur l’évasion fiscale ne s’arrêtent cependant pas avec la remise du rapport final de cette commission spéciale. Une seconde commission, d’enquête cette fois, a été mise en place il y a quelques semaines après les révélations des Panama Papers sur plus de 200 000 sociétés offshore. Elle poursuivra les travaux sur l’affaire LuxLeaks.

F. G.