Le Conseil économique et social (CES) a présenté jeudi le premier d’une série d’avis sur le travail transfrontalier. Il en ressort notamment que 43 % de la main-d’œuvre étant frontalière, elle est cruciale pour l’économie.
Le Conseil économique et social s’est autosaisi de l’élaboration d’une série d’avis se rapportant à la Grande Région et au phénomène du travail transfrontalier, dont le premier, présenté jeudi, en constitue la base. «Des questions spécifiques, dont les flux monétaires liés aux travailleurs transfrontaliers et la question éternelle de la rétrocession fiscale, seront analysées dans nos futures contributions sous forme d’avis», souligne le président du CES, Jean-Jacques Rommes.
En attendant, ce premier avis dépeint le travail transfrontalier et ses incidences sur l’économie luxembourgeoise. «Les travailleurs frontaliers contribuent de manière vitale à l’économie luxembourgeoise, dont ils dépendent et qu’ils font vivre. En ce sens, le travailleur frontalier est vital», indique d’emblée Jean-Jacques Rommes.
Et d’un point de vue économique et démographique, le Luxembourg a besoin d’un personnel hautement qualifié pour maintenir sa compétitivité (tableau ci-dessous).
Vers une pénurie de main-d’œuvre ?
«Jusqu’à présent, il l’a puisé dans les réservoirs de main-d’œuvre de la Grande Région», souligne l’avis du CES. «Or la complexité et la sophistication des services offerts, avant tout dans le secteur tertiaire, requièrent des profils très particuliers qui n’y sont plus disponibles, avertit Jean-Jacques Rommes. Au vu des mutations projetées, on pourra assister à une recomposition des flux frontaliers, avec toutes les conséquences que cela aura sur la mobilité transfrontalière.»
Pour le président du CES, «face à ces enjeux, il s’agit de garantir la cohésion sociale et territoriale au sein de la Grande Région par une coopération et une coordination transfrontalières renforcées. Le développement économique commun exige ainsi une vue d’ensemble afin d’éviter de trop grands déséquilibres régionaux.»
Au niveau des enjeux sociologiques, l’avis du CES fait remarquer que «la répartition sectorielle des salariés résidents et frontaliers fait apparaître, au Luxembourg, une représentation inégale des frontaliers en fonction des secteurs. Ainsi, ces derniers sont faiblement représentés dans l’administration publique, alors qu’ils sont fortement représentés dans le secteur assimilé de la santé et de l’action sociale ou dans les différentes branches de l’économie privée.»
«Ces disparités dans la représentation sectorielle font apparaître le besoin d’une conscience particulière auprès de nos décideurs politiques afin d’éviter une ségrégation artificielle trop prononcée entre salariés résidents, voire luxembourgeois, et frontaliers, et de promouvoir, au contraire, la meilleure cohésion sociale possible», poursuit Jean-Jacques Rommes.
Le peu d’intérêt de l’UE
Le CES tient à souligner, dans son avis, «l’importance des chambres professionnelles, qui sont les seuls organes institutionnels au niveau national qui considèrent les salariés frontaliers comme ressortissants et électeurs. De surcroît, les organes du dialogue social national, dont le Conseil économique et social, se doivent également d’articuler les intérêts de la main-d’œuvre frontalière au Luxembourg.
Enfin, le CES insiste sur le fait que la Grande Région constitue, au niveau européen, un formidable laboratoire unique en son genre (…) Le CES regrette que l’UE ne lui prête pas toute l’attention qu’elle mérite.»
Claude Damiani