Au Luxembourg, l’heure semble (enfin) être à une croissance qualitative plutôt que quantitative. Il est vrai qu’avec les taux de croissance (démographique, économique, emploi, etc.) que nous connaissons grosso modo depuis 20 ans, les conditions de circulation et la qualité de vie ne pourront aller qu’en se dégradant.
Qui osera freiner le premier? Ceux qui s’occupent des questions d’aménagement du territoire dans ce pays? Ce n’est malheureusement pas de leur ressort. C’est bien d’un choix de société qu’il s’agit : dans quel pays souhaitons-nous vivre, et dans quelles conditions?
En 20 ans, le PIB a plus que triplé. Si la crise des années 2008/ 2009 n’est pas passée inaperçue, le niveau des richesses créées a dépassé celui d’avant-crise dès 2010.
Depuis 1995, la population a augmenté tous les ans de plus de 8 000 personnes, en moyenne bien sûr, soit 170 000 nouveaux habitants (+42 %) au total. Il s’en est suivi une densification notable (passage de 157 à 223 habitants au km²).
La croissance économique s’est appuyée sur un marché du travail extrêmement dynamique : +195 000 nouveaux emplois (+90 %) en 20 ans. En 1995, le pays comptait 531 emplois pour 1 000 habitants; aujourd’hui, il y en a 712 pour 1 000 habitants.
L’extraordinaire progression de l’emploi intérieur n’aurait pas pu se faire sans l’explosion du travail frontalier. Or, qui dit augmentation du nombre de frontaliers, dit augmentation du trafic et, à défaut de vraies alternatives, circulation de plus en plus difficile.
Le Luxembourg vit sur de très (trop?) grands pieds. Généralement, un pays compte deux fois plus d’habitants que d’emplois. C’était aussi le cas chez nous : en 1970, par exemple, 340 000 habitants et une poignée de frontaliers se partageaient 140 000 emplois. Il en découlait un rapport habitants/emplois de 2,4.
Au début des années 1990, du fait d’une croissance de l’emploi largement supérieure à celle de la population (elle-même très importante), ce rapport est passé en dessous de 2. Aujourd’hui, il est de 1,4. Le jour viendra peut-être – il faut espérer que non – où le pays comptera autant d’emplois que d’habitants. La Ville de Luxembourg, avec ses 110 000 habitants et ses 180 000 emplois, en sait des choses.
Fuite en avant ou croissance raisonnable et contrôlée, voilà la question. Si nous voulons bléiwe wat mir sin, nous devons changer pas mal de choses, à commencer par nous-mêmes.
Claude Gengler