Les dirigeants d’entreprises, les artisans-commerçants, les jeunes et les chômeurs sont les populations les plus à risque de suicide parmi les 20% de Français qui affirment avoir envisagé sérieusement de se suicider en 2020, selon une enquête Ifop pour la fondation Jean Jaurès publiée vendredi.
Selon cette enquête, réalisée fin septembre en lien direct avec la crise sanitaire et ses effets économiques et sociaux induits, parmi les 20% de personnes interrogées qui déclarent avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider dans leur vie, 11% déclarent l’avoir envisagé durant la période du premier confinement et 17% depuis sa fin.
« Ce qui doit nous faire prendre conscience collectivement que la crise est devant nous », mettent en garde les auteurs, Michel Debout, professeur de médecine légale et de droit de la santé, membre de l’observatoire national du suicide et co-auteur de l’enquête avec Jérôme Fourquet de l’Ifop. Ils rappellent que depuis la crise de 1929 aux États-Unis, « toutes les études montrent que les effets suicidaires des crises se font sentir dans un délai de plusieurs mois voire quelques années ». Pour celle de 2008, c’est en 2009 et 2010, que le pic des suicides a été identifié.
Ils notent aussi « une différence essentielle entre le premier confinement, où la solidarité a pu s’exprimer », et celui en vigueur depuis le 30 octobre qui « provoque l’incompréhension notamment des secteurs économiques qui doivent cesser leur activité ».
L’enquête relève trois catégories socio-professionnelles très touchées : les dirigeants d’entreprises dont 27% ont eu l’intention réelle de se suicider en 2020, les artisans-commerçants, dont 25% l’ont aussi souhaité, et les chômeurs (27%). Parmi les artisans-commerçants qui ont envisagé une tentative de suicide, 42% disent être passés à l’acte, avec une hospitalisation.
« Alerter les pouvoirs publics »
« Cette proportion représente le taux le plus élevé de notre enquête et donne à voir la gravité particulière de ces situations qui devraient alerter les pouvoirs publics », soulignent les auteurs. Ils pointent « l’impact majeur de l’arrêt de l’activité lié au confinement suivi des grandes difficultés au redémarrage qui ont touché principalement les petites et moyennes entreprises », dont les sous-traitants du secteur BTP sont les plus concernés.
L’enquête relève que 27% de ceux qui disent avoir songé à se suicider (population générale) sont passés à l’acte, avec hospitalisation, contre 22 % en 2016, selon une autre enquête de la fondation Jaurès.
C’est particulièrement marqué chez les jeunes : en 2016, chez les moins de 35 ans qui avaient déjà envisagé une tentative de suicide, 26% disaient avoir fait une tentative provoquant une hospitalisation, contre 33% quatre ans plus tard, « un niveau très préoccupant », estiment les auteurs. Ils expliquent en partie cette réalité par « les difficultés d’insertion professionnelle et sociale, de formation », ainsi que par la difficulté à suivre ou poursuivre des soins adaptés.
Les chômeurs sont eux aussi très touchés : 27% déclarent avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider en 2020 dont 34% disent avoir été hospitalisés après passage à l’acte.
L’enquête a été réalisée du 21 au 28 septembre auprès de 2 000 répondants selon la méthode des quotas, en comparaison avec une précédente étude réalisée en février 2016.
LQ/AFP