La propagation de l’épidémie de Covid-19 pourrait coûter jusqu’à 113 milliards de dollars au secteur du transport aérien en 2020 et place le secteur dans une situation « presque sans précédent », a annoncé jeudi l’Association internationale du transport aérien (Iata).
« En un peu plus de deux mois, les perspectives du secteur dans la plupart des régions du monde se sont radicalement assombries », a souligné le directeur général de l’Iata Alexandre de Juniac, dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion à Singapour évoquant une situation « presque sans précédent ». « Au moment où les gouvernements réfléchissent à des mesures de relance, le secteur aérien devra être pris en considération pour des baisses d’impôt, de charges, et dans l’allocation de ‘slots’ (ndlr: créneaux d’atterrissage et de décollage). Nous vivons un moment exceptionnel », a-t-il aussi déclaré. L’Iata, qui regroupe 290 compagnies aériennes, a estimé les pertes de chiffre d’affaires des compagnies aériennes pour le transport de passagers entre 63 milliards de dollars -si la propagation du virus est contenue- et 113 milliards si le nouveau coronavirus continue à se répandre.
Cette estimation ne prend pas en compte les pertes du transport de fret. Le scénario le plus critique représente une baisse de 19% des revenus mondiaux du transport aérien de passagers, un secteur qui a généré l’an dernier 838 milliards de dollars de chiffre d’affaires. « Du point de vue financier, cela serait équivalent à ce qu’a subi le secteur » lors de la dernière crise financière mondiale de 2008-2009, note l’organisation. Le 20 février, l’Iata avait publié une première estimation de 29,3 milliards de dollars de perte de chiffre d’affaires dans un scénario où l’impact était limité aux marchés associés à la Chine. Mais le virus a atteint depuis plus de 80 pays. Selon l’association, la valeur des compagnies aériennes a baissé de près de 25% en Bourse depuis l’émergence du Covid-19, « environ 21% de plus que lors de la crise du Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 », souligne l’Iata.
Nouveau coup dur
L’épidémie de nouveau coronavirus porte un nouveau coup dur au secteur, fortement affecté après les attentats du 11 septembre 2001 et lors de la crise financière de 2008-2009. Le Sras, à l’origine d’une épidémie meurtrière en 2002-2003, était jusqu’ici l’événement lié à une épidémie ayant eu l’impact le plus fort sur les volumes de trafic. Depuis fin janvier, des dizaines de compagnies aériennes ont suspendu ou réduit leur desserte, dans un premier temps, de la Chine, berceau de l’épidémie, puis de l’Italie alors que le mouvement de baisse de réservations fait tache d’huile atteignant désormais toutes les destinations y compris celles qui sont faiblement touchées. Les réservations aériennes à destination de l’Europe, en provenance des continents américains, asiatiques et africains, se sont effondrées de 79% lors de la dernière semaine de février en raison de l’épidémie de coronavirus, indique jeudi la société spécialisée Forwardkeys.
Mardi, les principales compagnies aériennes européennes réunies à Bruxelles avaient prévenu que la crise ferait des victimes parmi les plus faibles d’entre elles. La compagnie aérienne britannique Flybe a été la première touchée en Europe. Elle a annoncé jeudi qu’elle cessait ses activités, incapable de faire face à la chute du trafic aérien liée à l’épidémie, après avoir déjà échappé à la faillite plusieurs fois depuis un an. Norwegian Air Shuttle a retiré jeudi ses prévisions pour l’année en cours. Après trois années de pertes, la compagnie à bas coûts espérait initialement revenir dans le vert en 2020. Les compagnies aériennes ont déjà annoncé des mesures d’économie avec le gel des embauches, des salaires et promotions, la réduction des dépenses administratives, des congés sans solde, des formations non obligatoires ou encore du chômage technique temporaire. La compagnie aérienne allemande Lufthansa a immobilisé 150 appareils.
Air France de son côté a anticipé les opérations de maintenance d’un certain nombre d’avions et redeployé des vols sur des zones moins exposées comme les Caraïbes, l’Océan indien ou l’Afrique. Seule bonne nouvelle pour l’heure, la baisse des prix du pétrole depuis le début de l’année qui pourrait faire baisser la facture du kérosène, selon l’Iata. Plus de 95 000 personnes dans le monde ont été contaminées par le Covid-19 et 3 200 ont succombé au virus.
AFP