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Commerce : Thierry Nothum confie ses inquiétudes


«Notre premier concurrent reste le logement», estime le directeur de la CLC. (photo Editpress)

Le commerce de détail connaît une profonde mutation, affirme Thierry Nothum, le directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce. Développement des centres commerciaux, coût du logement, exportation du pouvoir d’achat, chantiers au long cours : le directeur de la CLC se dit «inquiet».

Le Quotidien : Quelle est la situation du commerce luxembourgeois?

Thierry Nothum : On a souvent tendance à mélanger les secteurs, dont certains se portent mieux que d’autres. Dans le commerce de détail, ce qui nous inquiète, c’est le changement évident dans les habitudes des consommateurs, qui dépensent autrement ou moins concernant certains produits. S’y ajoutent les nombreuses inconnues qui subsistent et qui ne contribuent pas forcément à une atmosphère favorable à la consommation.

Il y a l’exportation d’une partie du pouvoir d’achat qui augmente, en même temps que, pour des raisons différentes, moins de personnes viennent faire leurs courses au Luxembourg. Mais notre premier concurrent reste le logement : son coût augmente plus vite que le pouvoir d’achat, ce qui fait que les gens procèdent à des arbitrages pour libérer de l’argent pour vivre.

Enfin, ce qui nous préoccupe, c’est que la partie du chiffre d’affaires jusque-là réalisée dans les villes se déplace vers les centres commerciaux, voire en périphérie. Malheureusement, faute d’enquêtes précises, il nous est pour l’heure impossible d’évaluer le poids de tel facteur par rapport à un autre, afin d’éviter de s’enchevêtrer dans la priorisation d’actions qui peuvent aller dans le mauvais sens.

En tout cas, compte tenu de ce que nous pouvons observer, nous ne sommes pas du tout convaincus que l’augmentation dans les sept ans à venir des surfaces commerciales de l’ordre de plus de 20% s’accompagnera d’une augmentation de la demande.

Et si les centres commerciaux sauvaient le commerce de détail?

Il est vrai qu’un centre commercial, à la différence d’une ville, a la possibilité de décider avec ses locataires d’une politique commune, à commencer par les heures d’ouverture, la publicité et l’exploitation d’infrastructures en commun. À cela s’ajoute que le client va là où il trouve un mélange qui correspond le plus à ses attentes. L’accessibilité aussi, est un argument fort qui fait qu’on se rend dans un endroit et pas dans un autre.

Un chantier qui a duré un an et demi influence de manière négative la vie dans une ville, et le fait qu’il se termine n’implique pas automatiquement un retour aux habitudes. Malheureusement, beaucoup de consommateurs en auront adopté de nouvelles. Généralement, il faut du temps pour retrouver la vitesse de croisière d’avant, à condition toutefois que l’attractivité du site n’ait pas trop souffert. Un restaurant peut remplacer un autre sans appartenir à la même gamme. On court toujours le risque qu’au bout d’un chantier l’offre ait structurellement changé et ne soit plus en phase avec ce que recherche le client.

Dès lors, que faire? Vous avez parlé un jour de « marketing agressif »…

Il ne faut pas se limiter au marketing qui est un moyen d’entrer en communication avec le consommateur, sachant que je ne peux communiquer que sur ce qui existe. Il ne s’agit pas seulement de vendre quelque chose, mais d’avoir une idée claire de ce que je veux vendre et de comment j’entends le vendre. Il faut que l’offre se rapproche le plus possible de la demande. Il est toujours déplorable de constater lors d’un évènement culturel important, que les magasins ne sont pas ouverts ce dimanche-là. Il faut donc beaucoup plus coordonner et coopérer pour vendre ensemble une ville et avoir quelque chose à proposer. Que tout le monde fasse des actions de son côté n’a pas beaucoup de sens, si, à la fin, ces actions ne sont pas cohérentes dans l’appréciation des clients.

Quel est le bilan de la campagne de promotion « Shopping in Luxembourg, Good Idea »?

Jusqu’en 2007, l’exportation du pouvoir d’achat n’a cessé d’augmenter. Grâce au lancement de la campagne, elle s’est mise à diminuer. Mais en 2012, nous avons été contraints, pour des raisons budgétaires, d’interrompre le marketing à Luxembourg et de nous concentrer sur la Grande Région. Seulement voilà, à partir de 2012, l’exportation du pouvoir d’achat a de nouveau augmenté. Loin de moi l’idée de dire qu’il existe une corrélation parfaite entre ces phénomènes. D’un autre côté, j’ai suffisamment de mal à croire une telle suite de hasards pour ne pas penser que les phénomènes collent avec certaines années, certaines actions ou leur mise à l’arrêt.

On reproche à Luxembourg d’accueillir trop de commerces haut de gamme…

Il y a toujours le risque que les clients d’une autre gamme de produits pensent qu’ils trouvent de moins en moins ce qu’ils recherchent. En ce sens, le projet « Royal-Hamilius », qui augmentera le nombre de mètres carrés, est un bon début. Il contribuera à l’attractivité de la ville et corrigera une offre de produits ou de gammes insuffisante. Mais il est illusoire de penser que dans une ville de la taille de Luxembourg, il est possible de satisfaire tous les types de clients avec l’offre la plus complète.

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Frédéric Braun

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans votre édition de ce lundi 28 septembre.