Un important travail reste nécessaire avant de sceller la réconciliation commerciale entre l’Union européenne et les Etats-Unis via un éventuel accord de libre-échange, ont estimé lundi les représentants au Commerce des deux blocs.
« Il reste beaucoup de travail à faire cet automne », a prévenu dans un tweet la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, à l’issue de sa rencontre à Bruxelles avec son homologue américain Robert Lighthizer. Les deux responsables, qui ont prévu de se revoir fin septembre, ont pour mission d’esquisser les premiers contours d’un hypothétique accord commercial, dont l’annonce en fanfare cet été avait permis d’apaiser les tensions entre l’UE et les Etats-Unis de Donald Trump.
Mais ils n’ont pas annoncé d’avancée majeure lundi, Mme Malmström restant évasive sur la teneur des discussions. L’administration américaine a pour sa part expliqué dans un communiqué qu’elle attendait des résultats concrets « en novembre », à l’issue de discussions techniques qui se tiendront dans les prochaines semaines. La rencontre entre Mme Malmström et M. Lighthizer faisait suite à la visite fin juillet à Washington du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui avait abouti, à la surprise générale, à une « déclaration commune » avec Donald Trump, jusqu’alors engagé dans une rhétorique protectionniste agressive.
L’agriculture dans l’accord commercial ?
Les deux hommes s’étaient engagés à « travailler ensemble à l’élimination des droits de douane » sur les biens industriels entre l’UE et les Etats-Unis, à l’exception du secteur automobile. Cette annonce avait ouvert une trêve dans le conflit commercial entre les deux régions, au moment ou Donald Trump menaçait encore de taxer les voitures européennes, après avoir déjà infligé des taxes punitives sur l’acier et l’aluminium du Vieux Continent. « Trump et Juncker ont un accord, mais en réalité, on ne s’est pas complètement mis d’accord sur le champ des discussions », résume une source européenne. L’UE refuse ainsi catégoriquement, à l’inverse des Américains, d’inclure l’agriculture dans les discussions sur un accord commercial.
Mais elle se dit prête à le faire pour le secteur automobile. S’ils ne le clament pas tout haut, les Européens ne sont pas pressés. Ils ont déjà obtenu en juillet ce à quoi ils tenaient le plus: la fin des menaces américaines, au moins pour le moment, sur leurs automobiles, un secteur particulièrement sensible pour l’Allemagne.
Beauf et soja, des victoires pour Trump
En gage de bonne volonté, les Européens ont multiplié ces dernières semaines les signaux positifs envers les Etats-Unis, autant d’opportunités politiques offertes à Donald Trump de crier victoire, à moindre frais pour eux. Ils se sont par exemple dits prêts à discuter de l’éventualité de garantir à Washington une part plus importante dans le quota de boeuf étranger « de haute qualité » importé dans l’UE, une proposition qui répond à une demande américaine ancienne. Ils ont aussi vanté le bond soudain en juillet (+283%) des importations par l’UE de soja américain, alors que cette hausse vertigineuse n’a rien à voir avec les discussions en cours. Le prix du soja produit aux Etats-Unis a en effet baissé car les agriculteurs locaux sont à la recherche de nouveaux débouchés depuis que Pékin leur a imposé des droits de douane élevés… en représailles à un geste similaire de Donald Trump.
Retour du protectionnisme pour la campagne ?
« La relation entre les Etats-Unis et l’Union européenne se renforce. Je vois de la bonne volonté », avait déclaré vendredi Larry Kudlow, le conseiller économique de la Maison Blanche sur la chaîne américaine CNBC. Si les Etats membres font pour l’instant front commun derrière la stratégie de la Commission, ils s’interrogent cependant sur la fiabilité de Donald Trump au moment où se présente une échéance électorale majeure: les élections de mi-mandat le 6 novembre.
L’Américain pourrait de nouveau être tenté de jouer la carte protectionniste au cours de la campagne, au risque de faire voler en éclat la paix fragile conclue avec l’UE. « Nous ne nous faisons aucune illusion: nous sommes encore très loin d’une solution pérenne. Nous jugerons sur les faits », a prévenu le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire. Face à cette incertitude, la Commission a donc préparé un plan B: elle a finalisé cet été une liste de produits américains à taxer en représailles à d’éventuelles taxes américaines sur les voitures.
AFP