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Christiane Benner prend la tête d’IG Metall


Christiane Benner va devenir la patronne du syndicat à partir de lundi.  (Photo : afp)

C’est la révolution chez les métallos allemands. Christiane Benner va prendre la tête du puissant syndicat IG Metall alors que le pays traverse une grave crise.

Dans le monde très masculin des «métallos», l’arrivée de Christiane Benner à la tête d’IG Metall, premier syndicat d’Allemagne, est un évènement. Pour la nouvelle dirigeante, c’est une lourde responsabilité à l’heure où l’industrie nationale traverse une crise profonde. À l’instar de Sophie Binet devenue en France la première femme élue à la tête de la CGT fin mars, la syndicaliste de 55 ans va prendre la direction de l’organisation dont elle est adhérente depuis l’âge de 20 ans et vice-présidente depuis 2015. Sa désignation sera entérinée lundi, lors du congrès d’IG Metall qui se tient à Francfort jusqu’au 26 octobre.

«Demandez aux hommes!», répond-elle en riant lors d’un entretien, quand il s’agit d’expliquer pourquoi le syndicat, né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a attendu si longtemps pour se doter d’une dirigeante. Fines lunettes, cheveux coupés au carré, elle devra représenter 2,14 millions d’adhérents – en 2022, soit 130 000 de moins que cinq ans auparavant – qui font d’IG Metall, selon ses dires, le plus gros syndicat d’Europe couvrant des secteurs essentiels de la première économie européenne comme l’automobile, les machines-outils ou l’électronique. Dans ces métiers essentiellement masculins, où l’on a longtemps manié la fraiseuse ou le fer à souder, la nouvelle cheffe a débuté comme… secrétaire multilingue chez un fabricant de machines. Quelque 80 % des membres du syndicat sont des hommes.

Mise en place d’une semaine de 4 jours

Après une pause pour étudier la sociologie, Christiane Benner a passé un an aux États-Unis, où elle raconte avoir perçu la «faiblesse» des syndicats. En Allemagne, les règles du paritarisme accordent une place centrale aux représentants des salariés au sein des entreprises. Dans le débat politique, la voix d’IG Metall compte aussi, particulièrement au moment où l’industrie allemande est en plein doute sur son modèle, affaibli par la crise énergétique et la concurrence internationale.

Membre du Parti social-démocrate (SPD) du chancelier Olaf Scholz, Christiane Benner défend l’instauration d’une subvention sur les prix de l’électricité pour les entreprises les plus gourmandes en énergie. C’est l’un de ses principaux désaccords avec le chancelier, réservé sur cette question qui divise le gouvernement allemand depuis des mois. Plombée par les difficultés du secteur industriel, l’économie allemande est au point mort et le pays devrait voir son PIB se contracter sur l’ensemble de l’année 2023. Il faut «un prix de l’électricité qui permette aux entreprises à forte consommation d’énergie de rester compétitives», insiste la responsable syndicale pour qui «le plus important est de garder l’industrie en Allemagne et en Europe».

Une augmentation de 8,5 % des salaires

«Nous avons un démantèlement insidieux de l’industrie et de l’emploi», s’alarme-t-elle, pointant notamment la menace des délocalisations liées à l’Inflation Reduction Act, le plan massif de subventions accordées par le gouvernement américain aux industries vertes qui séduit les investisseurs. Pour garder l’industrie dans un pays à la population vieillissante, durement touché par une pénurie de travailleurs qualifiés, il faut aussi garder les ouvriers. La formation et la reconversion des salariés, à l’heure de la transition énergétique et numérique des industries, est l’une de ses priorités. Cela doit d’abord passer par une «attractivité plus forte de la formation», alors que 2,6 millions de personnes de moins de 35 ans n’ont aucune qualification en Allemagne, explique-t-elle depuis son bureau en haut de la tour d’IG Metall, à Francfort, la capitale financière allemande.

Pour attirer des travailleurs, Christiane Benner veut également résorber l’écart de salaires entre les hommes et les femmes, ces dernières gagnant 7 % de moins dans l’industrie en moyenne, et permettre un «meilleur équilibre de vie professionnelle et personnelle» grâce à la mise en place de la semaine de 4 jours pour les salariés qui le souhaitent. Sa liste de travaux comprend encore la bataille pour le pouvoir d’achat, après plus d’un an de hausse continue des prix en Allemagne. L’an dernier, IG Metall, a obtenu une augmentation de 8,5 % des salaires pour près de 4 millions d’employés de l’électrométallurgie en Allemagne, après des négociations houleuses ponctuées de mouvements de grève dans les entreprises. Le prochain cycle de négociations, premier test pour la nouvelle présidente, s’ouvre en novembre pour les salariés de la sidérurgie. Outre la hausse des salaires, la semaine de 32 heures figure en tête des revendications.