La croissance chinoise devrait être tombée en 2015 au plus bas depuis un quart de siècle, anticipent les analystes, alors que la deuxième économie mondiale, engagée dans un douloureux rééquilibrage, continue de s’essouffler.
D’après la prévision médiane d’un panel de 18 analystes, la Chine aurait vu la croissance de son Produit intérieur brut (PIB) s’enfoncer à 6,9% l’an dernier, après être descendue à 7,3% en 2014. Ce serait sa plus faible performance depuis 1990, année marquée par l’isolement du pays après l’écrasement sanglant des manifestations de Tiananmen.
Pékin, qui s’était fixé un objectif d’«environ 7%», publiera mardi le chiffre officiel.
Même affaibli, le géant asiatique reste l’un des principaux moteurs de la croissance planétaire, l’acteur de premier plan du commerce international et un colossal consommateur de matières premières. Les inquiétudes sur le pays avaient d’ailleurs à nouveau fait trébucher début janvier les Bourses mondiales après un décrochage des places chinoises.
Au fil de 2015, les indicateurs sont restés largement au rouge: contractions de l’activité manufacturière, net ralentissement de la production industrielle -aggravant de sévères surcapacités-, stagnation de l’immobilier, plongeon du commerce extérieur…
Ce sont autant de piliers traditionnels de la croissance chinoise qui s’effritent. «Les signaux d’une stabilisation ne sont pas encore perceptibles, nous restons dans une spirale baissière», a indiqué Ma Xiaoping, analyste de HSBC.
Selon le panel d’experts, la croissance a glissé à 6,8% au quatrième trimestre, contre 6,9% au troisième.
«Les Bourses continuent de s’effondrer, le yuan est sous forte pression, la confiance dans les politiques de Pékin se détériore toujours davantage», ajoutait Mark Williams, du cabinet Capital Economics, même s’il estimait que le ralentissement tend à se modérer.
Pour lui, «les faux-pas des autorités pénalisent» l’économie mais «la décélération continue depuis 2010 est largement due à un déclin structurel après des années d’investissements insoutenables et d’expansion dopée par l’endettement».
L’immobilier pèse toujours
Pékin vante «la nouvelle normalité» d’une croissance amoindrie mais plus durable, fruit de ses efforts de rééquilibrage vers un modèle s’appuyant davantage sur la consommation intérieure, l’innovation et les services.
Pour autant, soucieux d’éviter un atterrissage brutal et de ne pas déstabiliser l’emploi, le gouvernement multiplie les soutiens à l’activité, avec six baisses des taux d’intérêt en un an et une active relance budgétaire.
L’impact demeure cependant mitigé. La gestion hasardeuse par les autorités du krach des Bourses chinoises l’été dernier, tout comme la brutale dévaluation du yuan en août, ont mis en question la capacité de Pékin à réaliser les réformes structurelles promises et à tenir son engagement d’accorder un rôle accru aux marchés.
La réduction des surcapacités industrielles et d’un endettement public-privé considérable, alors que s’intensifient les restructurations de groupes étatiques, «va continuer de peser», observe Zhao Yang, expert de Nomura. Il pointe également le déclin des investissements dans l’immobilier –secteur clef–, sur fond de surabondance de logements vacants après des années de fièvre de la construction.
Les analystes consultés tablent pour cette année sur une croissance de 6,7%.
Chiffres officiels en question
Certains insistaient toutefois sur les munitions dont dispose Pékin: le gouvernement devrait ainsi poursuivre sa politique monétaire accommodante pour stimuler la consommation, et continuer d’accroître les dépenses publiques, soulignait Dariusz Kowalczyk, de Crédit Agricole.
La Chine devrait ainsi rester «le premier contributeur de la croissance mondiale», assure-t-il.
En revanche, la récente rechute de la Bourse de Shanghai –qui a lâché 15% en une semaine– ne reflète pas «une soudaine dégradation économique» et «n’aura pas non plus d’impact majeur sur l’économie réelle», avertissait Louis Kuijs, d’Oxford Economics.
L’affaiblissement de l’immobilier, jugeait-il par ailleurs, «reste amorti par une robuste consommation» des ménages. La progression des ventes de détail résiste, et le secteur des services représentait sur les trois premiers trimestres de 2015 plus de la moitié du PIB chinois.
Ce qui rend moins pertinente l’habituelle focalisation sur les baromètres industriels, et incite à chercher des mesures alternatives pour jauger l’économie.
Car le scepticisme qui entoure les statistiques officielles reste de mise, de nombreux experts soupçonnant Pékin de surévaluer le chiffre de la croissance –d’autant que celui-ci est publié avec une célérité déconcertante pour une économie de cette taille.
Les chiffres des exportations de décembre, meilleurs qu’attendu, avaient eux exacerbé des spéculations sur une montée des surfacturations, susceptibles de dissimuler des fuites de capitaux.