Le salon annuel de l’électronique, qui s’ouvre mardi à Las Vegas, illustre le décalage entre les inquiétudes autour des usages controversés des technologies et l’appétit des consommateurs pour les nouveautés.
Du 7 au 10 janvier, quelque 175 000 visiteurs vont parcourir les allées du Consumer Electronics Show (CES) et s’émerveiller devant les derniers robots, écrans et vibromasseurs connectés. Loin des scandales sur les données personnelles récoltées à tout-va, et malgré les tensions commerciales avec la Chine, le secteur se porte bien. Le cabinet IDC estime à plus de 800 millions le nombre d’équipements de maison connectés (enceintes, caméras, serrures, sonnettes, etc.) vendus dans le monde en 2019, soit 23 % de plus qu’en 2018. Ce chiffre devrait grimper à 1,39 milliard en 2023.
Tous ces objets sont régulièrement accusés d’espionner leurs propriétaires à leur insu, mais ils auront la cote cette année encore au CES, avec toujours plus de connexions entre eux et d’intelligence artificielle (IA). «Il est très à la mode de se plaindre des technologies», écrivait l’auteur américain Rob Walker dans le New York Times en septembre. «Nos appareils nous distraient, les réseaux sociaux empoisonnent le débat public, les nouveaux objets branchés bafouent notre droit à la vie privée (…) mais en réalité nous aimons nos gadgets plus que jamais. Il n’y a pas de retour de flammes contre la tech.»
Interrogations sur l’exploitation des données
La grand-messe de la tech va présenter des objets à forte teneur en intelligence artificielle pour la maison, les voitures, la santé, l’urbanisme… Beaucoup incorporent les assistants vocaux des géants Amazon, Google et autres. Les contours de la 5G et de la mobilité de demain se dessineront lors des conférences des opérateurs, fabricants de puces et constructeurs automobiles.
Ces deux dernières années, les associations ont pourtant sonné l’alarme sur l’exploitation des données par les réseaux sociaux, les marques, les gouvernements et les hackers. Les régulateurs américains et européens ont infligé des amendes salées. Certains politiques appellent au démantèlement des plateformes dominantes. Et les États-Unis sont engagés dans une guerre commerciale contre leur rival économique et technologique, la Chine, qui déteint sur le commerce mondial. Mais «les gens ont toujours envie de découvrir de nouveaux objets tout beaux tout neufs», remarque Roger Kay, analyste chez Endpoint technologies Associates. «Je pense que les consommateurs s’adaptent au monde et adoptent les technologies qui leur correspondent.»
Pour mieux devancer nos désirs, l’apprentissage automatique des machines va monter en puissance. Elles savent déjà reconnaître nos voix et nos visages, elles y décèleront bientôt nos émotions. Les connaissances en données émotionnelles «ont atteint un niveau suffisant» pour que les entreprises puissent s’en servir à des fins de marketing, d’études de marché ou de sondages politiques, estime le cabinet Accenture. Les robots-compagnons pourront ainsi manifester plus d’empathie à l’égard des personnes âgées, et un véhicule pourra sans doute réagir aux signes de fatigue ou de déficience du conducteur.
Mais «lire les émotions est un business particulier», relève un rapport d’Accenture. «Les utilisateurs vont s’inquiéter de potentiels problèmes de confidentialité, failles de sécurité, manipulations et préjugés.» À charge pour les sociétés de trouver le bon équilibre. «Entre ce que les consommateurs disent et ce qu’ils font il y a souvent un monde», observe Tuong Nguyen, analyste chez Gartner. «Il faut les rassurer sur les questions de vie privée et de sécurité tout en concevant des objets intéressants et utiles.»
Sur fond de tensions commerciales
Le CES se tient cette année sur fond de tensions commerciales et politiques entre la Chine et les États-Unis. La délégation chinoise sera tout de même la plus importante hors États-Unis, avec des centaines d’exposants, y compris Huawei, le géant des télécoms placé sur liste noire par Washington, qui le soupçonne d’espionnage industriel et le considère comme une menace pour la sécurité nationale. «Les entreprises chinoises occupent un peu moins d’espace que l’année dernière, mais tous les principaux exposants sont là», constate Sarah Brown de la Consumer Technology Association, qui organise le CES. Le salon permet aux champions chinois de montrer leur capacité à rivaliser avec la Silicon Valley. «Les sociétés chinoises sont très agressives», remarque Simon Bryant, de Futuresource Consulting. «Leur marché intérieur est saturé, donc elles ont besoin de s’exporter, mais pas forcément aux États-Unis.»
Ce sont 4 500 exposants qui sont attendus à Las Vegas.
LQ/AFP
Vingt exposants luxembourgeois
Pour la troisième année consécutive, une délégation de start-up luxembourgeoises participera au plus important salon consacré à l’innovation technologique en électronique grand public. Après huit start-up en 2018 et 16 en 2019, Luxfactory emmènera 20 jeunes pousses luxembourgeoises dans le Nevada.
«Comme l’an dernier, nous avons réussi à obtenir 100 m² de stands au cœur de l’espace Eureka. Petite différence par rapport à l’année dernière, nous avons réussi à placer nos 100 m2 plus près du centre et donc de l’allée centrale, ce qui veut dire que les start-up luxembourgeoises seront beaucoup plus proches des flux et donc auront plus de visibilité», explique Élodie Trojanowski, la directrice générale de Luxfactory.
Voici la liste des exposants luxembourgeois : ANote Music, Art-Design-Painting, Atis-Network, BondWeaver, Motion-s, Aqoona, Ibisa, RoomMate, Food for All, Mu Design, Phoenici, Global Jet Booking, Stokr, Property Token, Adapti.me, Tresorio, Yotako, Koosmik, Virtual Rangers et Redscue.