La Commission européenne a dressé jeudi un tableau alarmant de la situation économique de la zone euro, profondément affectée par la pandémie de Covid-19, excluant tout retour rapide à la normale.
Dans ses prévisions présentées jeudi, l’exécutif européen table sur une chute de 7,8% du produit intérieur brut (PIB) dans la région en 2020. Du jamais vu depuis la création de la monnaie unique en 1999.
Cette récession est certes un peu moins grave que les -8,7% anticipés cet été, mais le rebond espéré à partir de l’an prochain (+4,2%) devrait, lui aussi, être beaucoup moins fort que les 6,1% de croissance prévus initialement.
En cause : la deuxième vague de la pandémie qui frappe actuellement l’Europe, contraignant plusieurs pays à reconfiner en partie leur population. Elle « crée encore plus d’incertitudes et anéantit nos espoirs d’un rebond rapide », a résumé le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis.
« Nous n’avons jamais compté sur une reprise en forme de V. Maintenant, nous savons avec certitude que nous ne l’aurons pas », a renchéri le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni.
Bruxelles estime que l’activité « reviendra à peine au niveau pré-pandémique en 2022 ». Mais elle souligne que le « degré élevé d’incertitudes » qui pèse encore sur l’économie plaide plutôt pour un retour à la normale en 2023.
Parmi ces incertitudes figure bien sûr une possible nouvelle aggravation de la crise sanitaire qui réduirait encore l’activité et ferait s’envoler le chômage.
Mais Bruxelles évoque aussi la future relation commerciale avec le Royaume-Uni. Les deux parties peinent à négocier un accord qui entrerait en vigueur l’an prochain, ce qui « pèse clairement » sur les perspectives économiques de l’UE, a estimé Valdis Dombrovskis.
La Commission prend d’ailleurs un parti pessimiste, ses prévisions étant fondées sur le scénario d’un « no deal » en fin d’année.
Les dettes s’envolent
Si l’ensemble des 19 pays de la zone euro entrent sans surprise en récession cette année, trois souffrent particulièrement: l’Espagne (-12,4%), l’Italie (-9,9%) et la France (-9,4%). Ces chiffres reflètent à la fois la sévérité de la crise sanitaire dans ces pays et leur plus forte dépendance aux services, notamment liés au tourisme. L’industrie a globalement mieux encaissé le choc.
L’Allemagne, première économie européenne, est parvenue à modérer l’ampleur de la chute, avec un PIB en recul de « seulement » 5,6% en 2020.
Pour limiter la casse et faciliter la reprise, la Commission européenne a suspendu en mars ses règles de discipline budgétaires : les États membres peuvent ainsi dépenser autant que nécessaire pour soutenir leurs entreprises et leurs travailleurs.
Conséquence : les déficits publics devraient largement se creuser en 2020, renvoyant la fameuse « règle des 3% » à une époque qui semble désormais lointaine et peut-être révolue.
Quatre pays devraient voir leur déficit dépasser 10 % de leur PIB
Cette année, quatre pays – France, Italie, Espagne, Belgique – devraient même voir leur déficit dépasser 10% de leur PIB en 2020.
Ces dépenses à tout va, ainsi que la récession, vont donc creuser un peu plus la dette des États membres. Pour l’ensemble de la zone euro, celle-ci dépassera en 2020 le seuil symbolique de 100% du PIB.
Les niveaux seront particulièrement inquiétants en Grèce (207,1% en 2020) et en Italie (159,6%). La dette française devrait quant à elle atteindre 115,9% du PIB en 2020 et continuer à progresser en 2021 et 2022.
Malgré ce contexte, Paolo Gentiloni a appelé jeudi les États membres à poursuivre leurs « politiques économiques et budgétaire favorables » à la croissance.
Il espère aussi que la mesure phare décidée par l’UE pour relancer l’économie du continent, une dette commune colossale destinée à financer les plans de relance des États membres, pourra être mise en œuvre dès le « premier semestre 2021 ».
Problème : le Parlement européen et les États membres peinent pour l’instant à accorder leurs violons sur le futur budget de l’UE pour la période 2021-2027, auquel ce plan de relance est adossé.
LQ/AFP