Pour les entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni, les nouvelles procédures depuis le 1er janvier sont synonymes de surcoûts et délais supplémentaires, et l’incertitude reste grande quant à l’avenir.
« Quand la Grande-Bretagne faisait partie du marché unique, livrer un client à Londres c’était comme si on livrait un client à Lyon », explique Gary Haworth, directeur de Toupret, un spécialiste des enduits qui compte 200 salariés. Comme les délais depuis le 1er janvier sont plus longs, « nous devons investir plus sur place et faire plus de stocks dans notre entrepôt britannique, parce que nous devons quand même être capables de livrer nos clients avec le même service qu’auparavant », poursuit le Britannique.
Un premier chargement d’enduits parti le 11 janvier de la banlieue sud de Paris à destination de la Grande-Bretagne est arrivé sans encombre, grâce à une bonne préparation des formulaires de douane en amont par cette entreprise qui avait mis en place une équipe dédiée au Brexit de sept ou huit personnes.
France Beury, déléguée aux affaires européennes et internationales chez TLF Overseas, le syndicat professionnel regroupant organisateurs de transport et représentants en douane, souligne l’importance pour les entreprises de s’être préparées à commercer avec le Royaume-Uni comme avec un pays tiers. Depuis un an, « on avait quand même la vision du contenu de l’accord à partir du moment où il y en avait un », tempère cette spécialiste. Reste qu’il faut prouver que les marchandises respectent bien les « règles d’origine » leur permettant d’être exemptées de droits de douane, et pour cela « disposer d’un certain nombre de documents » et « arriver à les récupérer de ses partenaires », explique France Beury. Selon la responsable de TLF, les flux transmanche n’ont pas connu jusqu’ici d’accroc majeur, mais les volumes étaient faibles jusqu’à la mi-janvier. Et il faudra sans doute attendre la fin février pour savoir si le nouveau système fonctionne à plein régime.
Normes divergentes
A terme, un autre problème risque de se poser pour les entreprises avec des normes en tout genre qui pourraient diverger entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.
La gamme d’enduits de Toupret relève de la chimie et du règlement européen REACH, dont les Britanniques vont développer leur propre version. « Cela veut dire que nous devrons être conformes aux réglementations européennes mais aussi aux réglementations locales britanniques », constate Gary Haworth qui déplore « les coûts additionnels » et le temps passé pour les équipes. Pas question pour autant de renoncer au marché d’outre-Manche, que l’entreprise a passé les dix dernières années à développer. « Nous sommes aussi déterminés qu’avant, simplement, ça veut dire que nous devons être plus adaptables et que nous devons travailler beaucoup plus, être plus persévérants », selon le directeur de Toupret.
Trouver un partenaire
L’incertitude générée par la sortie du Royaume-Uni du marché unique est encore beaucoup plus grande dans le secteur des services financiers, pour lequel aucun accord n’a encore été trouvé.
Beaucoup de prestataires s’attendent à partir de 2022 à la perte de leur « passeport » qui leur permet d’offrir des services de l’autre côté de la Manche sans avoir à y créer une structure dédiée. « Si le système du passeport venait à disparaître, ce qui semble quand même un peu dans les tuyaux, recréer une activité en Grande-Bretagne serait très complexe », affirme David Charlet, président de CC&A Finance Patrimoine. Il faudrait alors déployer au Royaume-Uni, « une vraie entreprise et pas simplement avoir une activité complémentaire, donc nous risquons de devoir abandonner les clients que nous avions en Grande-Bretagne à des confrères britanniques », ces derniers risquant à l’inverse de céder les leurs à leurs collègues français.
Plusieurs milliers d’entreprises sont concernées, selon David Charlet, qui était jusqu’à l’an dernier président de la Fédération européenne des conseillers et intermédiaires financiers. Et « il est assez peu probable que toutes ces entreprises décident de redéployer là-bas une vraie entité structurée, d’autant plus que nous sommes une profession réglementée, donc il y a tout un tas de contraintes ». Par conséquent « on va devoir s’organiser avec l’Angleterre comme on s’organise avec des confrères américains, chinois ou autres ». Avec le défi de trouver de l’autre côté de la Manche un partenaire fiable auquel confier ses clients.
LQ/AFP