Le Brexit va-t-il couper les ailes au dynamisme de Londres ? La mégapole va forcément perdre en attrait avec d’inévitables répercussions pour son économie florissante.
Hors de l’UE, Londres ne pourra plus prétendre à œuvrer comme porte d’entrée des entreprises américaines ou asiatiques sur le marché unique européen. «Certaines entreprises qui voient en Londres une plate-forme pour desservir le marché européen intégré vont déplacer au moins une partie de leur siège dans d’autres villes de l’UE», prédit ainsi Greg Clark, spécialiste en développement des villes au think tank Brookings Institute.
Une première banque, l’américaine JPMorgan qui emploie 16 000 personnes au Royaume-Uni, a fait savoir dès vendredi qu’elle pourrait déplacer des emplois hors du pays.
Selon l’agence de notation Standard and Poor’s, un cinquième de l’activité bancaire mondiale est réalisée à Londres. Une hémorragie de banquiers toucherait la ville de plein fouet : le secteur financier y fournit un emploi sur trois, soit 1,25 million de postes. Les services dans leur ensemble représentent 85% des emplois, ayant complètement supplanté l’industrie manufacturière qui a longtemps fait la force de la métropole. «Il est essentiel que nous restions partie prenante du marché unique», a enjoint le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, plaidant pour que sa ville ait voix au chapitre pendant les négociations avec l’UE sur les modalités de sortie.
Partie comme un gag mais révélatrice d’inquiétudes profondes, samedi soir une pétition pour un «Lexit» qui consacrerait l’indépendance de la capitale avait recueilli plus de 140 000 signatures. Malgré ces inquiétudes, Greg Clark de Brookings juge néanmoins probable qu’au final, «le nombre net d’emplois perdus ne soit pas énorme, parce que les entreprises vont se réorganiser plutôt que partir complètement», et de toute façon «Londres restera un bon endroit pour desservir les marchés mondiaux».
L’immobilier va en faire les frais
La ville, dont le PIB a crû de 3,3% l’an dernier (contre 2,3% pour l’ensemble du pays), a indubitablement des atouts pour cela : on y parle anglais, langue internationale du business, elle est cosmopolite et culturellement riche. L’organisation des Jeux olympiques en 2012, flanquée d’investissements notamment dans les transports, lui a donné un formidable élan.
Mais ses universités réputées continueront-elles à lui fournir le même vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée, si les conditions d’accès se compliquent pour les non-Britanniques ? L’université de Londres a assuré vendredi qu’il n’y aurait «aucun impact immédiat» pour les étudiants et enseignants. Mais plus tard ? Personne ne sait.
Si banquiers très bien payés et autres expatriés désertent pour Francfort, Paris ou Dublin, tout un pan de l’économie qui s’appuie sur leur pouvoir d’achat élevé souffrira – des agences immobilières haut de gamme aux écoles privées select. Le premier à en faire les frais pourrait être le secteur de la pierre. L’expérience montre que les chocs externes ont conduit à des baisses de chiffres d’affaires de jusqu’à 20%. Un tel retournement entraînerait une pression à la baisse sur les prix, une bonne nouvelle finalement pour beaucoup d’acheteurs potentiels et locataires, dans une ville où l’immobilier est inabordable et où la valeur des biens grimpe actuellement au rythme de 13% par an.
Dans la série «consolations», Greg Clark fait aussi miroiter un autre avantage potentiel : «Londres pourra constituer une opportunité de se diversifier pour les investisseurs qui voudraient parier contre l’UE, mais profiter quand même des opportunités de croissance de l’Europe», croit-il.
On leur a dit, ils n’ont pas écouté. Maintenant ils ont peur.