L’homme d’affaires suisse Yves Bouvier, principal investisseur du Freeport de Luxembourg, s’est-il enrichi indûment en dénichant une prestigieuse collection d’art pour le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev ? Ses avocats le contestent et tentent, jeudi à Monaco, de faire annuler sa mise en examen pour escroqueries.
Le ténor du barreau parisien Me Francis Szpiner, secondé notamment par l’ex-ministre François Baroin, présentent à huis clos une « requête en nullité de procédure » devant la Cour d’appel de Monaco (chargée d’examiner les décisions des juges d’instruction). En face, les avocats du président russe de l’AS Monaco menés par Me Tetiana Bersheda, dénoncent une pure « manoeuvre judiciaire » pour éviter le fond du dossier. Ils estiment que Bouvier devait jouer un simple rôle d’intermédiaire, négociant pour lui au meilleur prix contre une commission de 2%.
L’Hélvète rétorque qu’il est un « commerçant d’art » qui devenait propriétaire des tableaux avant de les revendre à Dmitry Rybolovlev et était donc en droit de faire des plus-values.
Un guet-apens selon Bouvier
Bouvier aurait gagné « entre 500 millions et 1 milliard de dollars », selon une extrapolation faite par la défense de Rybolovlev à partir des bénéfices réalisés sur certains tableaux. Au total, Yves Bouvier a négocié 37 œuvres rares pour un montant de 2 milliards de dollars pour Dmitry Rybolovlev, président de l’AS Monaco qui vit en principauté depuis 2011. Elles appartiennent à deux sociétés offshore domiciliées dans les Iles vierges britanniques et détenues par un trust chypriote au nom de ses deux filles.
L’oligarque s’est offert à partir de 2003 les plus grands maîtres: Van Gogh, Gauguin, Picasso, Modigliani, Degas, Rothko, Monet, Toulouse-Lautrec, Renoir, Rodin, Maillol, Matisse, Magritte, de Vinci, El Greco, Giacometti, Klimt. Me Szpiner fustige une enquête préliminaire ouverte par le procureur de Monaco « avec un parti pris systématique » en faveur du président de l’AS Monaco, qui a « privatisé » la justice monégasque.
Le milliardaire a été entendu sur le Rocher comme simple « témoin », puisque les tableaux appartiennent à ses sociétés offshore, qui ont déposé plainte le 9 janvier 2015 contre Bouvier. Or Rybolovlev, qui ne parle que russe, avait choisi son avocate comme interprète, tandis que l’enquête a été ouverte sans demander les statuts précis des sociétés offshore, dénonce notamment Me Szpiner.
M. Bouvier estime avoir été attiré à Monaco dans un guet-apens chez Rybolovlev le 25 février 2015. Attendu par la police monégasque, il avait été mis en examen trois jours plus tard pour « escroqueries » et « complicité de blanchiment ». Le Suisse – résident à Singapour où il est propriétaire d’un port franc – avait été laissé libre contre une caution de 7,5 millions d’euros, selon le parquet. La décision de la Cour d’appel sera mise jeudi en délibéré.
AFP / S.A.