Le diesel européen est remis en question en raison du scandale des moteurs truqués et de la volonté de l’Europe de durcir les normes antipollution.
Dans le sillage du scandale des moteurs truqués de Volkswagen, les constructeurs automobiles se préparent à un durcissement en Europe des normes antipollution pour les voitures diesel, dont cette technologie pourrait pâtir.
Le «dieselgate», tricherie du géant Volkwagen pour faire passer ses voitures diesel pour moins polluantes qu’elles ne le sont, « ne nous a pas facilité la vie, loin de là, notre réputation à tous en tant qu’industrie a souffert », a regretté Sergio Marchionne, patron de Fiat Chrysler Automobiles (FCA), au salon de Genève mardi.
Le diesel, très présent en Europe où le gazole est moins taxé que l’essence dans de nombreux pays, est dans la bouche de tous les grands du secteur réunis lors de cette grand-messe de l’automobile, qui ouvrira ses portes au public aujourd’hui et jusqu’au 13 mars. Alors que les ventes de voitures diesélisées se sont effondrées aux États-Unis, pays où cette technologie n’a jamais réussi à percer, après la révélation de la tricherie de Volkswagen, la défiance ne semble pas avoir atteint le Vieux Continent.
« Nous n’avons observé absolument aucun effet » sur nos ventes, affirme Dieter Zetsche, patron de Mercedes-Benz (Daimler). « Le thème des émissions polluantes ne semble pas être décisif pour l’achat d’une voiture. Ce qui compte, c’est plutôt que le diesel est bon marché », décrypte Stefan Bratzel, spécialiste automobile allemand.
Coûteuse mise aux normes
Le sort du diesel n’en préoccupe pas moins les constructeurs. Ils fourbissent leurs armes dans la perspective de nouvelles normes antipollution, apparues pour combler les failles dans la réglementation européenne mises au jour par l’affaire Volkswagen.
Les constructeurs devront ainsi se soumettre à partir de septembre 2017 à des tests de leurs véhicules en conditions réelles, mais bénéficieront encore d’une marge de tolérance pour les émissions d’oxyde d’azote (NOx) de 110 % pour les nouveaux modèles mis en circulation. À partir de 2020, le seuil de 80 mg/km de NOx devra être respecté, avec une marge d’erreur plus faible. En l’absence de limites contraignantes, les véhicules actuellement en circulation émettent cinq à six fois plus de gaz polluants en conditions réelles de conduite que le seuil maximal appliqué en laboratoire, d’après des chiffres donnés par la Commission européenne. Pour faire face à ces nouvelles normes, les constructeurs vont devoir investir massivement dans des systèmes de dépollution plus performants.
Disparition programmée?
Le coût supplémentaire par véhicule devrait atteindre « entre 500 et 1 000 euros, c’est considérable », souligne Stefan Bratzel. Ferdinand Dudenhöffer, un autre expert allemand, évoque « plusieurs milliards d’euros pour l’industrie ». Harald Krüger, le patron du champion allemand du premium BMW, table sur « des centaines de millions d’euros » pour son groupe. Cela va peser sur les marges et sera particulièrement ressenti par les marques généralistes. Les constructeurs ne pourront pas pour autant renoncer au diesel dans l’immédiat.
Ils comptent en effet sur cette technologie pour parvenir aux objectifs européens de réduction des émissions de CO 2 des voitures neuves d’ici 2020. Les fabricants allemands de grosses berlines se reposent notamment largement sur le diesel pour compenser les émissions importantes de dioxyde de carbone de leurs modèles essence.
Pour certains équipementiers, comme Plastic Omnium, cette évolution est une aubaine. L’entreprise française assiste à « une recrudescence des demandes des constructeurs pour équiper le plus vite possible leurs véhicules en systèmes SCR », beaucoup plus efficaces que les « pièges à NOx » encore très utilisés, selon son codirecteur général, Jean-Michel Szczerba. Certains constructeurs ont pris de l’avance, comme le français PSA ou encore l’allemand Daimler, qui a investi 2,6 milliards d’euros dans une nouvelle génération de moteurs répondant aux normes annoncées.
Pour les modèles plus petits et aux marges financières plus minces, une raréfaction du diesel est déjà à l’œuvre. « La baisse de la part du diesel dans notre bouquet de ventes était déjà engagée. L’affaire Volkswagen n’a fait qu’accélérer une tendance qui était déjà importante », explique Lionel French Keogh, patron pour la France du sud-coréen Hyundai.
Le suédois Volvo Cars entrevoit déjà le remplacement progressif des voitures diesel par des hybrides rechargeables, tandis que BMW se demande si d’ici 10 ou 30 ans la voiture électrique ne deviendra pas plus abordable pour les clients qu’un véhicule diesel.
Le Quotidien / AFP