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Assurances : « L’intérêt pour le Luxembourg est là »


Claude Wirion, à la tête du Commissariat aux assurances depuis le début de cette année, est optimiste quant à l'avenir du marché des assurances.(photo Alain Rischard)

Au 1er janvier 2016, la réforme réglementaire européenne «Solvabilité II» entrera en vigueur. Les compagnies d’assurance luxembourgeoises semblent y être bien préparées. Claude Wirion, directeur du Commissariat aux assurances, revient sur les défis auxquels font face les différents acteurs du secteur.

Le Quotidien : Vous êtes à la tête du Commissariat aux assurances depuis le début de cette année, comment voyez-vous le secteur des assurances luxembourgeois?

Claude Wirion : Je vois ce secteur de façon plutôt confiant. Comme vous le savez, c’est un secteur qui a dû faire face à des défis importants au cours des années passées et qui continue à être confronté à des défis. Pour en citer quelques-uns, il y a eu l’annonce par le gouvernement précédent de l’échange automatique d’informations, qui avait peut-être été anticipé, dans une certaine mesure, et qui a tout de même eu des conséquences sur l’encaissement.

L’autre défi c’est la baisse continue des taux d’intérêt qui a, d’une part, ouvert une opportunité pour certains assureurs qui pouvaient encore continuer à offrir des garanties de taux supérieurs à ceux du monde bancaire. Mais c’était connu que c’était une fenêtre assez étroite qui est en train de se refermer. Nos assureurs font preuve d’une adaptabilité remarquable pour saisir des opportunités, ensuite pour passer à autre chose.

Le défi aujourd’hui qui intéresse tout le secteur, c’est la mise en application de Solvabilité II. Je crois que nos entreprises partent bien préparées dans cet exercice, mais là aussi on ne peut pas exclure que la mise en pratique au quotidien de ce nouveau cadre prudentiel va amener certains assureurs à changer de modèle et à s’adapter à cette nouvelle donne.

La Place attire-t-elle toujours de nouveaux acteurs internationaux?

Oui certainement, l’intérêt pour le Luxembourg est tout à fait là. Bien qu’il se manifeste de façon différente par rapport aux années précédentes. Vous savez qu’un acteur important d’origine française devrait s’installer d’ici la fin de l’année, c’est la CNP, le premier assureur français. Mais ce qu’on voit surtout, c’est de nombreux investisseurs qui prennent rendez-vous auprès de nous, qui démarchent pour plutôt ne pas créer une société mais pour acquérir des sociétés existantes. Donc ce qui fait que tous ces investisseurs sont persuadés de la pérennité de la place d’assurance du Luxembourg et malheureusement, pour eux, il y a peut-être aujourd’hui plus d’acheteurs potentiels que de vendeurs.

Et le secteur de la réassurance, comment se comporte-t-il ?

On en parle très peu dans la presse. Le secteur de la réassurance comporte un grand acteur et quelques autres acteurs qui font vraiment de la réassurance professionnelle internationale, mais en nombre. Une grande partie de nos réassureurs sont des réassureurs captifs qui appartiennent à un grand groupe et qui utilisent le Luxembourg pour y loger une partie de leur risque. Pour des raisons évidentes, ces grands groupes communiquent plutôt par rapport à leur métier, pas par rapport à une structure qu’ils ont au Luxembourg pour couvrir certains risques.

Ceci dit, surtout les captives de réassurance, ce sont tout de même ceux qui peut-être sont le plus impactés par Solvabilité II. Pour des captives de réassurance ( n.d.l.r : ce sont des sociétés qui appartiennent à une société industrielle ou commerciale), les risques sont très simples et sous le régime prudentiel actuel jusqu’au 31 décembre, on pouvait tout à fait satisfaire à ces obligations de surveillance prudentielle en se contentant d’un minimum d’information. Sous Solvabilité II, ces informations que devront communiquer des captives sont presque les mêmes que celles s’adressant aux assureurs, même de grande taille. Donc ça va renchérir le coût de fonctionnement des captives, et certaines captives ont déjà plié bagage. Il faut s’attendre à ce qu’un certain nombre d’autres captives suivent.

Qu’en est-il des professionnels du secteur des assurances ?

Nous y pensons très fortement. Sous le terme de «PSA», il y a plus d’une demi-douzaine de PSA différents. Lorsque la loi PSA a été votée en 2013, il y avait déjà des gestionnaires des entreprises d’assurance qui avaient automatiquement acquis le statut de PSA avec le vote de la loi. Mais depuis lors en 2014, deux nouveaux PSA ont été agréés. Nous en sommes déjà à trois agréments en 2015 et nous avons deux dossiers en cours d’instruction. Pour certains de ces projets, clairement l’implantation est liée à la mise en place de Solvabilité II.

Le plus grand chantier dans votre secteur c’est la transposition de la directive Solvabilité II qui sera mise en œuvre le 1er janvier 2016. Tous les acteurs de la Place sont-ils prêts ?

Je dirais oui. Depuis 2009, nous avons fait effectuer par les compagnies d’assurance, d’abord, avec un an de retard, et les compagnies de réassurance, des tests de tous les calculs et au fil des années. Cela fait donc 6 ans. Maintenant, ce sera un calcul pour de vrai, ce ne sera plus un calcul qui ne prêtait pas à des conséquences juridiques. Sur la mécanique à mettre en œuvre pour bien pouvoir faire les calculs, pour disposer des données nécessaires à ces calculs, les compagnies sont certainement prêtes.

Il semble qu’une autre directive (Insurance Distribution Directive) préoccupe les assureurs, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

C’est une directive qui a été adoptée à minuit moins trois sous présidence lettonne, sinon le Luxembourg aurait hérité de cette directive. D’ailleurs, on était prêt durant toute la présidence lettone, on a assisté à toutes les réunions, pour reprendre le flambeau si nécessaire. La présidence lettonne a encore réussi in extremis encore une fois à 21h à avoir un accord politique entre le Conseil et le Parlement.

Cette directive maintenant est en instance d’être discutée au niveau de la Commission et du Conseil par des juristes linguistes. Il faut qu’elle soit traduite dans toutes les langues de la Communauté et elle sera ensuite publiée au journal officiel pour ensuite entrer en vigueur. La transposition devra être effectuée 18 mois après justement cette publication au journal officiel . Le Luxembourg devra la transposer pendant ces 18 mois.

Je ne sais pas si cette directive préoccupe les assureurs, bien entendu chaque directive a sa raison d’être, elle comporte son lot de nouvelles obligations pour les assureurs. Cette directive n’a pas été faite pour les assureurs mais pour les consommateurs.

Quelles sont les nouveautés pour les consommateurs ?

D’abord, cette directive va amener encore plus de transparence au niveau des produits offerts notamment pour l’assurance non-vie. Il faudra communiquer au consommateur à chaque produit vendu un document pré-contractuel qui est le « production information document », le PID. Il faut donc les assureurs élaborent ces notices d’information sur les produits sur une page ou une page et demi, sous format pas encore arrêté. Il faut donner les caractéristiques essentielles du produit. C’est la responsabilité de l’assureur si l’information n’est pas claire ou transparente pour le consommateur et le distributeur. Donc ce sera un gain en terme de protection.

Pourquoi l’assurance non-vie est-elle touchée par cette directive ?

Tout simplement parce qu’il y a déjà une directive MiFID II et les directives Prip, il y a des obligations similaires en assurance-vie. Donc toute l’assurance sera couverte, il y aura aussi de nouvelles obligations pour les assureurs en ce sens que la vente directe sera concernée par les mêmes obligations que la vente qui se fait par des canaux de courtiers ou d’agents, ça veut dire qu’une compagnie qui applique de la vente directe , le consommateur a le droit au même conseil comme s’il s’était adressé à un agent ou à un courtier qui avait déjà l’obligation de conseiller les clients.

Donc là aussi, la protection sera renforcée. Il y aura obligation de mettre en place des instances de médiation en cas de litige entre un distributeur d’assurance et un client. Donc il y aura toute une série de nouveaux droits pour les consommateurs. Ce sera vraiment du bénéfice pour les consommateurs. Quand on dit nouveaux droits pour les consommateurs, cela veut dire de nouvelles obligations pour des professionnels, des assureurs ou des distributeurs professionnels de produits d’assurance.

Êtes-vous optimiste pour l’avenir du marché des assurances ?

Certainement. Je crois que le marché luxembourgeois des assurances a toujours montré sa capacité de rebondir. Solvabilité II est déjà digéré en grande partie par les assureurs qui ont tout de même investi énormément de temps et d’argent dans la mise en place des structures, des bases de données, des outils informatiques, justement pour être prêts le 1er janvier.

Aude Forestier