Paraphé lundi, l’accord concernant la restructuration d’ArcelorMittal ne prévoit aucun licenciement et stipule le maintien des sites et des investissements du géant de la sidérurgie.
Le jeudi 10 septembre, un véritable coup de tonnerre s’abat sur le pays. Ce jour-là, peu avant midi, ArcelorMittal annonce un vaste plan de restructuration au sein de ses activités au Grand-Duché, qui doit aboutir à la suppression d’environ 15 % de ses effectifs sur le territoire luxembourgeois. «L’industrie sidérurgique était déjà confrontée à des conditions de marché difficiles avant la pandémie en raison de divers facteurs (importations d’acier en Europe, absence de protection efficace du marché européen contre ces importations, réduction des opportunités sur certains marchés d’exportation, augmentation des prix des matières premières, coût du système d’échange de quotas d’émission supporté uniquement par les producteurs d’acier européens), expliquait, ce jour-là, le géant de la sidérurgie par voie de communiqué. Avec la pandémie de coronavirus, la sidérurgie a été encore davantage impactée par la baisse significative de l’activité de ses clients (…). Afin d’assurer l’avenir à long terme de notre organisation, nous sommes arrivés à la conclusion que nous devons prendre de nouvelles mesures d’économie. Aujourd’hui, nous avons annoncé que, malheureusement, environ 570 emplois sur les sites industriels et administratifs d’ArcelorMittal au Luxembourg seront impactés.»
Quatre mois, cinq réunions tripartites et 20 réunions du groupe de travail plus tard, le gouvernement, la direction du sidérurgiste et les syndicats ont paraphé, lundi, un accord sur le plan d’avenir sidérurgique «Lux 2025» dans le cadre de la restructuration à ArcelorMittal. Cet accord, le huitième de toute l’histoire, ne prévoit aucun licenciement, ni plan social, ni fermeture de site sur le sol luxembourgeois et détaille aussi un certain nombre d’investissements. «Cet accord est la preuve que le modèle social luxembourgeois fonctionne grâce à la volonté des trois parties, estime Dan Kersch, vice-Premier ministre et ministre du Travail. Il donne aussi des perspectives d’avenir à la sidérurgie, une industrie clé dans notre pays.»
Des engagements à respecter
Concrètement, même si l’accord ne prévoit aucun licenciement ni plan social à ArcelorMittal Luxembourg, des postes vont disparaître. Un total de 536 personnes est concerné. L’accord conclu prévoit l’ouverture d’un dispositif de «préretraite ajustement», à laquelle 237 personnes pourront prétendre, qui vient s’ajouter aux dispositifs classiques de préretraite prévus par la loi. Ces dispositifs seront possibles pour les salariés nés avant 1964. Le recours au chômage structurel sera activé pour les personnes dont l’emploi sera supprimé. Cela devrait concerner environ 280 salariés, qui seront placés dans la cellule de reclassement (CDR). «La CDR ne signifie pas inactivité, précise Dan Kersch. La formation sera essentielle pour permettre aux salariés d’être transférés en interne ou en externe.» À noter que 76 départs volontaires et 40 transferts internes auraient déjà été négociés.
Par ailleurs, aucun site d’ArcelorMittal Luxembourg ne sera fermé, alors que le site de Dommeldange semblait menacé ces derniers mois. Et le géant de la sidérurgie s’est engagé à investir au cours des cinq prochaines années : entre 165 millions d’euros minimum et 205 millions d’euros maximum. «Plusieurs projets sur les sites de Belval, Differdange, Rodange et Bissen vont être menés, précise ArcelorMittal dans un communiqué. L’investissement comprend également le redéploiement d’une partie des activités de l’atelier de Dommeldange au plus près des usines pour lesquelles il travaille actuellement.»
Et la nouveauté de cet accord réside dans le fait que si ArcelorMittal ne respecte pas ses engagements, il devra rembourser une partie des aides perçues. «Cette mesure répond à la nouvelle orientation du gouvernement destinée à assurer que chaque partie respecte ses engagements, souligne le vice-Premier ministre et ministre du Travail. Ce possible remboursement des aides étatiques en cas de non-respect des engagements est une première au Luxembourg.»
De son côté, Roland Bastian, directeur général d’ArcelorMittal Luxembourg, estime que «la conclusion de cet accord est à mettre à l’actif des parties en présence qui, toutes, ont mené ces négociations avec un profond sens des responsabilités, pour trouver des solutions constructives et adaptées à la situation difficile actuelle» avant de souligner que «notre attachement à la sidérurgie luxembourgeoise et notre volonté de lui écrire un avenir en sortent renforcés».
Le siège social d’ArcelorMittal devrait rester
Ce n’est pas encore officiel, mais «l’intention» est là, dixit Roland Bastian, le directeur général d’ArcelorMittal Luxembourg : le siège mondial du géant de la sidérurgie devrait rester au Grand-Duché. Depuis plusieurs années déjà, ArcelorMittal projette de bâtir son nouveau siège mondial sur le plateau du Kirchberg à Luxembourg. Et ce projet devrait devenir une réalité. Des discussions sont néanmoins encore en cours – le Premier ministre Xavier Bettel devait d’ailleurs s’entretenir sur ce sujet avec Lakshmi Mittal lundi – et l’annonce officielle devrait être faite au cours des prochaines semaines ou prochains mois.
Guillaume Chassaing
«Vigilants, prudents et méfiants»
Comme les membres du gouvernement et ceux de la direction d’ArcelorMittal, les représentants de l’OGBL et du LCGB, qui étaient également assis autour de la table des négociations, ont salué l’accord trouvé. «L’impact négatif de la restructuration a été allégé, souligne Stefano Araujo, de l’OGBL. Il n’y a pas de licenciements, ni de plan social ni de fermeture de site. Il y aura un accompagnement pour les salariés dont le poste a été supprimé. Et des garanties d’investissements ont été prises. Mais nous veillerons à ce que les engagements pris soient respectés.»
«C’est un constat amer de voir que d’ici 2025 il y aura moins de 3 000 salariés chez ArcelorMittal au Luxembourg, estime Robert Fornieri, secrétaire central adjoint au LCGB. Mais il y a un plan d’avenir pour la sidérurgie. Je tiens à dire que sans l’État, cet accord n’aurait pas été conclu. Cet accord, qui ne prévoit ni licenciements, ni plan social, ni fermeture de site, profite d’une riche expérience et répond au mieux aux besoins. Mais nous restons vigilants, prudents et méfiants. Les promesses doivent être tenues.»