Après des années de hausse effrénée, les prix de l’immobilier au Portugal ont commencé à se stabiliser en 2019 et le gouvernement cherche à les faire baisser en prenant des mesures pour aider les classes moyennes à se loger dans les grandes villes.
« Le marché de l’immobilier est entré dans une phase de consolidation », explique à l’AFP Patricia Barao, chargée de l’immobilier résidentiel au sein du cabinet de conseil JLL à Lisbonne. Un refroidissement qui a conduit l’an dernier 650 agences immobilières à mettre la clé sous la porte, selon une étude du site internet spécialisé Imovendo. D’après les chiffres du cabinet JLL, le nombre de transactions devrait atteindre en 2019 les 179 000 ventes, comme en 2018.
À Lisbonne, 62 000 ventes de logements ont été comptabilisées l’année dernière pour un montant global de plus de 11,5 milliards d’euros, des chiffres quasi inchangés par rapport à l’année précédente. Dans le quartier le plus cher du centre de la capitale, où le mètre carré vaut 4 889 euros, les prix ont même reculé de 4,7% au troisième trimestre 2019 par rapport au trimestre précédent, une première depuis que ces statistiques officielles ont commencé à être publiées en 2016. « On est dans une phase de stabilisation après une période de correction des prix », qui étaient sous-estimés par rapport à d’autres capitales européennes, souligne Ricardo Guimaraes, directeur de la société de statistiques Confidencial Imobiliario.
Habiter dans sa ville de naissance « relève du rêve »
Au cours des trois dernières années, l’immobilier s’est apprécié de l’ordre de 20%, rappelle Manuel Braga, consultant du site Imovendo. Le gouvernement socialiste s’en est alarmé. Les prix pratiqués à Lisbonne et Porto, la grande ville du nord du pays, sont « un crime de lèse-patrie », a déclaré mercredi le ministre en charge du Logement, Pedro Nuno Santos. « Pour la grande majorité des Portugais, vivre dans la ville où ils sont nés relève du rêve », a-t-il ajouté, regrettant que beaucoup aient été poussés vers les banlieues. Dans les quartiers historiques de la capitale, la pression immobilière, notamment sous l’effet des nouvelles plateformes de locations touristiques comme Airbnb, a réduit le marché dédié à la location de longue durée, déjà peu important car trois quarts des Portugais sont propriétaires.
Baisse des avantages pour l’investissement étranger
Pour atténuer la pénurie de logements, les socialistes au pouvoir viennent d’annoncer leur intention de revoir à la baisse les avantages qui ont longtemps encouragé l’investissement étranger dans l’immobilier. Un amendement au projet de budget 2020 qui doit être adopté la semaine prochaine prévoit la fin de l’exonération fiscale pendant 10 ans pour les retraités étrangers et la restriction de l’octroi de « visas dorés » à des investisseurs non-européens. Le Portugal accorde ces titres de séjour depuis 2012 en contrepartie d’un investissement d’au moins 500 000 euros dans le neuf et de 350 000 euros pour une rénovation. Si l’amendement est voté, les achats immobiliers à Lisbonne et Porto ne seront bientôt plus éligibles. Cette mesure doit « soulager la pression immobilière dans les grandes villes » et « attirer les investissements vers d’autres zones du pays », a justifié la cheffe du groupe parlementaire socialiste, Ana Catarina Mendes. Mais il n’est « pas aussi intéressant » d’investir en dehors des grandes villes, prévient la directrice des études chez JLL, Maria Empis. « C’est en partie grâce aux visas dorés que la rénovation de Lisbonne a été possible », rappelle son directeur, Pedro Lancastre.
Les élus du PS ont également proposé de taxer à hauteur de 10% les expatriés européens résidant au Portugal. La mesure ne s’appliquera qu’aux nouveaux arrivants et pas aux quelque 10 000 retraités qui bénéficient déjà de l’exonération d’impôt pendant dix ans. Ces mesures viendront s’ajouter à celles déjà prises comme un moratoire empêchant l’éviction de locataires de plus de 65 ans. De son côté, la mairie de Lisbonne a rénové certains immeubles pour les proposer à des loyers modérés, et limité les logements pouvant être destinés à la location touristique de courte durée.
LQ/AFP