Des manifestants ont protesté mercredi devant l’usine Ampacet contre un projet de la direction qui vise à développer des métiers multitâches.
Ils étaient une trentaine, salariés et délégués syndicaux, à s’être rassemblés mercredi à Dudelange devant l’usine Ampacet, spécialisée dans les mélanges-maîtres pour les produits plastiques, afin de protester contre le projet de la direction d’imposer des tâches à leurs salariés ne correspondant pas à leur métier ni à leur qualification. «Avec ce nouveau système de fonctionnement, les opérateurs pourraient être amenés à faire le contrôle de qualité et la maintenance de base, sans avoir la formation ni percevoir le salaire qui correspond, tandis que les caristes ou les techniciens pourraient être amenés à nettoyer les lignes de production. Tout le monde doit tout faire, c’est la polyvalence vers le bas», s’insurge Stefan Osorio, secrétaire central adjoint de l’OGBL pour l’industrie.
«C’est une dévalorisation de nos diplômes et de nos statuts, poursuit Saliha Belesgaa, présidente de la délégation Ampacet. Les contrôleurs qualité, qui ont fait des études universitaires, se voient demander de faire le nettoyage des lignes de production. Sur le site de Messancy, les nouveaux arrivants ont déjà des contrats « maintenance-production« . Or soit on fait de la maintenance, soit on fait de la production! Demain, on va nous demander quoi? De rouler les cars? Sachant que les techniciens de laboratoire ont déjà reçu une formation pour conduire des chariots électriques! On embauche des gens pour une fonction et, au final, on leur attribue des tâches qui ne font pas partie de leur contrat de travail. C’est une tendance qui risque d’affecter toutes les sociétés du Luxembourg. Il faut être attentif à ce genre de politique et veiller à la protection de nos statuts et de nos contrats.»
Flexibilité
à tout prix
Pour les protestataires, sous couvert de «solidarité entre les services», comme ce projet est désigné par la direction d’Ampacet, il ne s’agit ni plus ni moins d’une volonté à peine déguisée de faire baisser les coûts, car à moyen terme, ils en sont sûrs, cette décision entraînera une réduction du personnel de maintenance. La société américaine emploie actuellement environ 140 salariés sur le site de Dudelange et a «réalisé un nouveau chiffre d’affaires record» (près d’un milliard de dollars aux troisième et quatrième trimestres 2020).
En outre, «cette façon de procéder provoquera une surcharge de travail pour ceux qui restent et aura un impact négatif sur la santé des salariés : plus de stress, de burn-out, etc.», complète Stefan Osorio. Au-delà même de «l’injustice sociale» que représente ce projet, les délégués estiment que c’est la sécurité des salariés qui est en jeu. «Par définition, tout poste dans l’industrie est considéré à risque, explique Stefan Osorio. Or les salariés ne sont pas formés pour effectuer les tâches qu’on veut leur imposer. Même si la direction dit vouloir faire des formations. Et puis, ce n’est pas productif, une personne à peine formée et qui effectue plusieurs tâches ne peut pas être aussi performante que quelqu’un dont c’est le métier. À chacun son métier!»
Les manifestants s’opposent donc «fermement» à ce projet et en demandent «le retrait définitif» ainsi qu’un avenant à la convention collective qui garantira les statuts. Mais pour l’instant, le dialogue avec la direction s’avère pour le moins compliqué. «Les discussions viennent d’être rompues, fait savoir Saliha Belesgaa. La direction nous avait effectivement dit que c’était un projet. Nous avions alors demandé une protection vis-à-vis de la convention collective, car la direction pouvait venir à tout moment avec un avenant. Mais celle-ci nous a été refusée. Depuis le 2 novembre, nous venons donc la boule au ventre dans l’attente de savoir à quelle sauce nous allons être mangés. Nous sommes persuadés qu’il y a eu un manque de transparence lors de la mise en place de la nouvelle convention en 2019.»
Un dialogue d’autant plus difficile que les griefs s’accumulent. Saliha Belesgaa cite en exemple la mise en place de «référents couleurs», chargés de former le personnel (renouvelé à 95 % sur la ligne de production en question). «Ces salariés se sont retrouvés avec des responsabilités et des horaires de chefs d’équipe, mais sans modification de leur statut, ni revalorisation de leurs conditions de travail ou de leur salaire. Lorsque nous avons demandé des modifications, la direction a tout simplement supprimé cette fonction de référent.»
Le directeur du site de Dudelange, Daniel Gobert, qui s’est rendu quelques minutes auprès des protestataires, s’est refusé à tout commentaire.
Tatiana Salvan