Patronat et syndicat en Allemagne ont annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi un accord sur des hausses de salaires de 8,5 % au total pour plus de 3,9 millions de salariés de l’électrométallurgie, écartant le risque de grèves dures dans un contexte d’inflation record.
L’accord pilote, conclu dans le Bade-Wurtemberg (sud) et qui devrait valoir dans les autres régions allemandes, prévoit que cette hausse interviendra en deux étapes en 2023 puis en 2024, a indiqué le puissant syndicat IG Metall dans un communiqué, après plusieurs semaines de négociations houleuses et de nombreux débrayages dans tout le pays.
« Les salariés auront bientôt nettement plus d’argent en poche – et ce de manière durable », a salué Jörg Hofmann, président d’IG Metall cité dans le communiqué. Une « prime inflation » de 3 000 euros a également été obtenue. Le syndicat réclamait initialement une augmentation de 8 % de salaire sur douze mois, sa plus forte revendication depuis 2008, pour ce secteur stratégique de la première économie européenne. Il comprend les milliers d’entreprises de l’automobile, l’électronique ou encore la machine-outil et les négociations dans l’électrométallurgie sont pour cette raison particulièrement scrutées.
Les salariés avaient fait monter la pression en Allemagne : d’abord par des manifestations depuis plusieurs semaines, puis depuis le 29 octobre par des « grèves d’avertissement », des débrayages coordonnés à durée limitée qui accompagnent souvent les négociations salariales dans ce pays. Si patronat et syndicat n’étaient pas parvenus à s’entendre, des grèves plus dures de 24 heures menaçaient le pays.
« Nous n’hésiterons pas à faire grève, les carnets de commandes sont bien remplis, il n’y a pas de raison de ne pas obtenir gain de cause », avait prévenu des représentants syndicaux à l’ouverture des négociations en septembre.
Un signal envoyé
Les représentants du patronat, qui jugeaient initialement irréaliste le niveau de hausse de salaire, ont estimé que le risque était trop grand : « Un conflit social aurait causé des dommages encore plus importants », a estimé l’organisation patronale Gesamtmetall dans un communiqué. « C’est au final un accord coûteux, mais nous pouvons maintenant nous concentrer sur notre travail et faire notre part pour surmonter la récession annoncée le plus rapidement possible », ajoute l’organisation.
Son président Stefan Wolf avait mis en garde sur la charge que représentaient les revendications syndicales au moment où de nombreuses industries ploient déjà sous le coût de l’énergie. « Certaines luttent pour leur survie », avait-il prévenu.
L’accord prévoit une hausse de salaire de 5,2% en juin 2023, suivie par une hausse de 3,3 % au 1er mai 2024. Cet accord pourrait envoyer un signal aux autres branches qui négocient ou vont entamer des négociations sur les salaires, comme le secteur de la fonction publique. Pour les quelque 2,5 millions d’employés de ce secteur, le syndicat Verdi demande 10,5 % de hausse. En Allemagne, l’évolution des salaires est négociée branche par branche entre syndicats et employeurs.
Ce bras de fer s’est déroulé alors que l’inflation a dépassé les 10 % en octobre dans la première économie européenne –du jamais vu depuis le début des années 1950–, en raison de la cherté de l’énergie provoquée par la guerre russe en Ukraine.
Après une hausse surprise de la croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 0,3% au troisième trimestre, l’Allemagne s’attend à de prochains mois difficiles: Berlin table sur une baisse du PIB de 0,4% et une inflation de 7% en 2023, selon les dernières prévisions du gouvernement. Comme dans d’autres pays d’Europe, la baisse du pouvoir d’achat engendre en Allemagne mécontentement et tensions sociales qui se traduisent par des manifestations contre la vie chère.
Le gouvernement d’Olaf Scholz a débloqué une enveloppe colossale de plus de 200 milliards d’euros pour soulager ménages et entreprises, comprenant plusieurs volets notamment des versements d’aides ciblant les plus vulnérables et la mise en place au début de l’année prochaine de subventions plafonnant les prix de l’énergie jusqu’au printemps 2024.