En Allemagne, experts et milieux économiques ne cèdent pas à la panique lundi après l’échec des négociations de gouvernement, mais s’inquiètent du retard pris face aux nombreux défis qui attendent la première économie européenne.
L’arrêt des pourparlers entre les conservateurs de la chancelière Angela Merkel (CDU-CSU), les libéraux (FDP) et les écologistes « n’est pas très surprenant » vu leurs nombreux antagonismes, résume Marcel Fratzscher, président de l’institut économique DIW.
Mais « on a laissé passer une occasion de surmonter les frontières idéologiques et de trouver des solutions appropriées » pour le pays, déplore Eric Schweitzer, patron de la Chambre allemande du commerce et de l’industrie DIHK.
Le chef de la Fédération de l’artisanat ZDH, Hans Peter Wollseifer, également cité par l’agence de presse allemande DPA, regrette que les conservateurs, les libéraux et les verts n’aient su s’entendre pour « donner à l’Allemagne un élan de modernisation grâce à de nouvelles idées et de nouveaux modèles de pensée ».
Des élections anticipées semblent l’issue la plus probable, Angela Merkel ayant exclu un gouvernement minoritaire et ses anciens alliés sociaux-démocrates (SPD) ayant refusé toute coalition sous l’égide de la chancelière.
Belgique et Pays-Bas
« De nouvelles élections soumettraient l’Allemagne aux tractations politiques pendant encore trois ou quatre mois et placeraient dans l’impasse » les projets de réforme en Europe, avertit Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.
Certes, à court terme, la poursuite de la rigueur budgétaire fait l’objet d’un vaste consensus en Allemagne et son économie semble se passer sans dommage d’impulsion politique.
« L’échec des négociations n’aura sans doute aucun effet à court terme », juge Carsten Brzeski d’ING Diba. « Les exemples de la Belgique et des Pays-Bas, où un gouvernement intérimaire n’a longtemps pas porté préjudice à l’économie, semblent même suggérer que les gouvernements intérimaires font plus de bien que de mal », analyse l’économiste Carsten Brzeski, d’ING Diba.
Cette nouvelle était d’ailleurs accueillie sans panique manifeste par les places européennes. Vers 11h00, la Bourse de Francfort (+0,20%) était repassée dans le vert après avoir ouvert en baisse et l’euro se reprenait après un mouvement de repli initial.
Si elle n’a pas encore de gouvernement, l’Allemagne peut se réjouir de la robustesse de sa conjoncture. L’économie du pays tourne à plein régime, avec des prévisions de croissance variant de 2% à 2,4% selon les sources pour 2017, assortis d’indicateurs de confiance au plus haut.
L’inquiétude réside plutôt dans sa capacité à poursuivre au même rythme.
Préparer l’avenir
« Étant donné le manque de réformes structurelles et le besoin urgent d’investissements dans le numérique et l’éducation, les responsables politiques allemands feraient bien de ne pas perdre trop de temps s’ils ne veulent pas mettre en danger l’avenir économique » de leur pays, avertit Carsten Brzeski.
Non seulement l’Allemagne souffre déjà d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, que le vieillissement de sa population menace d’aggraver, mais elle affiche aussi des infrastructures en piteux état et voit son industrie automobile traverser une profonde crise de confiance, alors que son virage énergétique reste inachevé.
Marcel Fratzscher, du DIW, a ainsi identifié sept réformes pour son pays, qui vit en grande partie sur ses acquis: « une offensive dans la recherche et l’éducation », de « nets efforts en matière de numérique », l’intégration dans la société et sur le marché du travail des réfugiés, dont l’arrivée en nombre a coûté cher politiquement à Angela Merkel. La pérennisation des systèmes de protection sociale, le respect des objectifs pour le climat et une « stratégie constructive pour réformer l’Europe et l’euro » complètent cette liste.
L’urgence d’agir a également été soulignée vendredi par Jens Weidmann, président de la Bundesbank, faute de quoi « le potentiel de croissance de l’Allemagne devrait tomber en dessous de 1% au cours de la prochaine décennie ».
Le Quotidien/ AFP