Le gouvernement allemand a sabré, ce mercredi 9 octobre, ses prévisions de croissance économique pour 2024, prévoyant une nouvelle récession, mais s’est dit optimiste quant à un sursaut à partir l’an prochain.
Berlin table désormais sur un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,2 % cette année, contre une hausse de 0,3 % auparavant, selon un communiqué.
Le PIB de la première économie européenne s’était déjà contracté de 0,3 % en 2023.
Après deux années consécutives de recul, il devrait toutefois croître de nouveau l’année prochaine, de 1,1 %, puis de 1,6 % en 2026, selon les nouvelles prévisions.
La révision à la baisse des prévisions intervient après une série de mauvaises nouvelles qui ont plombé la rentrée de l’Allemagne, notamment le gel annoncé en septembre d’un grand projet d’usine du géant Intel dans le pays et l’annonce par Volkswagen de possibles fermetures d’usines et de licenciements.
Problèmes structurels
L’économie allemande, qui a longtemps bénéficié d’une énergie bon marché grâce aux accords de livraison de gaz russe et d’exportations dynamiques, notamment vers la Chine, subit de plein fouet les effets de la guerre en Ukraine et de la faiblesse de la demande mondiale sur fond de tendances protectionnistes.
« L’Allemagne et l’Europe se retrouvent coincées dans des crises entre la Chine et les États-Unis et doivent apprendre à se faire entendre », a déclaré le ministre de l’Économie, Robert Habeck, devant la presse.
En même temps, l’Allemagne doit affronter des défis structurels, tels qu’un vieillissement de la population, une concurrence accrue de la Chine, une bureaucratie pesante et une transition écologique complexe.
Ces problèmes « commencent à faire des ravages », a martelé le ministre, ajoutant que le gouvernement prenait les devants pour renforcer l’activité économique.
Du fait de ses problèmes structurels non réglés, l’économie allemande n’a « plus connu de croissance significative depuis 2018 », avant que la crise du covid ne bouscule tout, selon Robert Habeck.
Le ministre écologiste s’en est aussi pris à la règle du « frein à l’endettement » inscrite dans la Constitution et qui limite les moyens de l’État pour investir.
Avec « plus de marge de manœuvre (budgétaire), notre économie pourrait enfin sortir de l’impasse », selon le ministre. La levée de ladite règle est réclamée aussi au sein de l’industrie.
Au plan conjoncturel, malgré l’euphorie de l’Euro de football et les hausses de salaires, la consommation privée peine à décoller en raison du climat d’incertitude ambiant et d’une hausse du chômage qui incite les consommateurs à privilégier l’épargne par précaution.
La faiblesse de la demande extérieure et une politique monétaire restrictive continuent aussi de peser sur l’activité, avec des indicateurs avancés dans l’industrie indiquant que la phase de faiblesse se poursuivra au second semestre, selon le ministère de l’Économie.
Mesures pour la croissance
À partir de la fin de 2024, la dynamique de croissance devrait recommencer à se renforcer, selon le ministère.
Le gouvernement du chancelier Olaf Scholz, toujours très impopulaire, compte sur son « initiative de croissance » proposée cet été et qui comprend un lot de mesures à mettre rapidement en œuvre.
Ce plan comprend des allègements fiscaux, une réduction permanente des prix de l’énergie pour l’industrie ainsi qu’un allègement de la bureaucratie et des incitations pour maintenir les personnes âgées sur le marché du travail et attirer des travailleurs qualifiés étrangers, pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre.
Le projet du gouvernement reste « insuffisant pour relancer l’économie », commente Peter Adrian, président de la Chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK).
La croissance ne retrouvera pas son rythme prépandémique, avaient déjà estimé en septembre cinq grands instituts (DIW, Ifo, IfW Kiel, IWH et RWI), qui ont déjà raboté leurs prévisions annuelles. Celles-ci oscillent désormais entre stagnation et légère récession.
Pour les deux années suivantes, ces instituts sont moins optimistes que Berlin, prévoyant une faible reprise avec des hausses du PIB de 0,8 % en 2025 et 1,3 % en 2026.