Accueil | Economie | Allemagne : la retraire à 69 ans fait débat

Allemagne : la retraire à 69 ans fait débat


Les économistes voudraient voir les Allemands travailler plus tard, un sujet délicat pour les partis politiques. (Illustration : AFP)

Travailler jusqu’à 69 ans ? Le nouveau (vieux) sujet agite l’Allemagne.

Des Allemands qui travailleraient jusqu’à 69 ans? L’idée, remise au goût du jour cette semaine par la Bundesbank, suscite l’adhésion de beaucoup d’économistes, mais fait frémir les politiques, en précampagne de législatives où la retraite risque d’être un enjeu majeur.

Un ouvrier, une vendeuse, une infirmière, une aide-soignante tiendront cela pour une idée cinglée, et moi aussi», a réagi avec son franc-parler habituel le ministre de l’Économie social-démocrate, Sigmar Gabriel. Objet de son courroux, un passage du rapport mensuel de la banque centrale allemande, la Bundesbank, publié lundi. «La situation financière actuellement satisfaisante des caisses publiques de retraite ne doit pas masquer que d’autres ajustements seront inévitables pour assurer sa pérennité», y lit-on. Et de proposer, pour stabiliser le système, une augmentation graduelle à partir de 2030 de l’âge d’entrée en retraite, pour arriver en 2060 à 69 ans.

L’espérance de vie en Allemagne est de 78 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes, et elle grimpe obstinément. Même si les Allemands partent en retraite de plus en plus tard – l’âge légal est déjà en train de passer progressivement de 65 à 67 ans, l’âge effectif de fin d’activité est autour de 62 ans –, cela fait beaucoup d’années à passer en retraite. Financées par les cotisations de ceux qui travaillent… et qui sont de moins en moins nombreux, vieillissement démographique oblige.

Un sujet de campagne électorale

La Bundesbank avait, dès 2009, mis sur la table un relèvement à 69 ans. En revenant à la charge cette semaine, elle voulait «apporter une contribution au débat» et inciter les responsables politiques à adopter un horizon de planification à plus long terme, explique un porte-parole de l’institution. Elle a en tout cas touché un nerf sensible.

Les partis politiques, qui s’échauffent déjà pour les élections législatives de septembre 2017, devraient tous faire des retraites un sujet central de campagne. Mais, assurément, aucun ne partira à la chasse aux voix en faisant miroiter deux ans de travail de plus. Les sociaux-démocrates autour de Sigmar Gabriel rejettent l’hypothèse des 69 ans et, pour le parti conservateur CDU de la chancelière Angela Merkel, qui briguera vraisemblablement un quatrième mandat, la question d’un relèvement ne se pose pas, a fait savoir le secrétaire général. Pourtant, du côté des économistes, l’initiative de la Bundesbank suscite l’adhésion, quand ce n’est pas la surenchère. Pour l’institut IW de Cologne, c’est même jusqu’à 73 ans que les Allemands devraient travailler s’ils veulent maintenir leur retraite et les cotisations aux niveaux actuels.

Une indexation de l’âge de départ à la retraite

L’économiste Axel Börsch-Supan de l’institut Max-Planck propose quant à lui une indexation de l’âge d’entrée en retraite sur l’évolution de l’espérance de vie. Le refus des politiques allemands de se pencher sur ce qui va se passer après 2030 témoigne d’une « peur d’affronter la vérité », juge le chercheur.

« Et n’oublions pas , rappelle Michael Hüther, président de l’IW, que ce dont parle la Bundesbank concernerait ceux qui sont nés après 1995, c’est-à-dire qui ont tout juste 20 ans. Il ne s’agit pas de faire travailler quiconque aujourd’hui jusqu’à 69 ou 70 ans. » Cela n’empêche pas les passions de se déchaîner, à coups par exemple de commentaires hargneux sous les articles en ligne consacrés au sujet. «Ces élucubrations néolibérales», s’énervait un internaute sur le site du Spiegel, «travailler jusqu’à 70 ans et pendant ce temps-là les autres mangent des petits fours ou sont au chômage». Les syndicats aussi montent au créneau.

Si le sujet interpelle tant, c’est aussi que les inquiétudes pour les revenus des retraités sont vives. Dans un pays qui a systématiquement encouragé la constitution par les particuliers d’un capital-retraite privé, pour compléter les pensions de retraite chiches qu’assure le système public, les taux d’intérêt bas causent des angoisses existentielles à beaucoup de ménages. Difficile, voire impossible, quand les placements ne rapportent plus rien, de faire fructifier leur capital pour s’assurer suffisamment de revenus le moment venu.

Le Quotidien/afp