Le paysage bancaire allemand prend des allures de grand écart : le leader Deutsche Bank a annoncé jeudi son premier bénéfice net annuel depuis 6 ans, tandis que son dauphin Commerzbank est en perte et se prépare à une sévère cure d’amaigrissement.
« Nous sommes de retour », a déclaré le patron de Deutsche Bank, Christian Sewing, sur la chaîne Ntv, après que l’établissement a dégagé en 2020 un bénéfice net de 113 millions d’euros. C’est le premier gain depuis 6 ans qui doit beaucoup au retour en grâce de la banque d’investissement. Ce modeste retour de fortune intervient après la perte abyssale de 5,8 milliards d’euros de l’année passée, la deuxième plus lourde de son histoire liée à une profonde restructuration.
Le bénéfice global avant impôts ressort lui à 1,02 milliard d’euros et ce en étant lesté de près d’1,8 milliard d’euros de provisions sur des prêts à risque, soit 2,5 fois plus qu’en 2019 sur fond de récession causée par la pandémie de Covid-19. Sur le quatrième trimestre, le groupe affiche un gain net de 51 millions d’euros et il a « très bien commencé » l’année 2021, a assuré Christian Sewing devant la presse.
Le contraste est saisissant avec Commerzbank, qui a annoncé mercredi soir avoir subi une perte nette de « près de 2,9 milliards d’euros » en 2020, soit sa première perte depuis la crise financière de 2009. La banque détenue à près de 16 % par l’État allemand et qui vient de changer de patron, a expliqué cette perte par « le poids de la pandémie » ainsi que par des charges de restructuration.
Le conseil de surveillance a en outre adopté un nouveau plan d’économies comprenant la suppression de 10 000 postes, soit un quart des effectifs, et la fermeture de 340 agences sur 790, le tout d’ici 2024.
Banque d’investissement en pointe
Pareille restructuration a été engagée en juillet 2019 par Deutsche Bank pour recentrer son modèle sur des activités stables après des années à subir les mouvements de yoyo dans la banque d’investissement, dépendante de la météo sur les marchés financiers. Le groupe comptait encore près de 85 000 employés dans le monde à fin décembre, soit 2 938 de moins en un an, en voulant les ramener à 74 000 d’ici 2022. Mais avec un personnel en diminution, les recettes globales de la banque ont progressé de 4 % en 2020, à 24 milliards d’euros, mettant ainsi fin à une érosion de plusieurs années.
Sur des marchés financiers animés, la banque d’investissement a vu ses recettes grimper de 32%, à 9,3 milliards d’euros, ce qui montre que « les clients sont revenus », selon Christian Sewing. La banque a abandonné l’an dernier le négoce d’actions, où ses rivales américaines ont pris trop d’avance, pour se concentrer, avec succès, sur les produits de taux et de devises. En est ressorti un gain imposable de 3,2 milliards d’euros, multiplié par 6 en un an. La rentabilité nette rapportée aux fonds propres affiche près de 10 %, contre 0,2 % pour l’ensemble de la banque, loin des 8 % visés à partir de 2022.
Les autres divisions, la banque des entreprises et de détail ainsi que la gestion d’actifs, ont « atteint leurs objectifs en termes de chiffres d’affaires » malgré les taux très bas qui pèsent sur la rentabilité, selon Christian Sewing.
La « bad bank » interne érigée en 2019 pour sortir du bilan des actifs pourris ou non stratégiques a elle perdu 2,2 milliards d’euros l’an dernier.
Malgré tout le titre Deutsche Bank coté au Dax à Francfort était en baisse jeudi (-1,50 %), après avoir grimpé les jours d’avant par anticipation de bons résultats. Commerzbank reculait davantage (-2,8 %) en bas de tableau de l’indice MDax.
AFP/LQ