Un rapport européen datant de 2006 met en avant les défaillances des contrôles antipollution en Europe. Ce qui pose la question suivante : à qui revient la faute?
Le scandale Volkswagen est un tremblement de terre pour le secteur automobile. Pourtant, en 2006, un rapport faisant mention de l’insuffisance des tests d’homologation en matière de pollution et de mesures prises par les constructeurs pour contourner les tests avait été soumis aux ministres des Transports de l’époque.
Le groupe allemand Volkswagen, premier constructeur mondial, vient de se faire prendre la main dans le pot de confiture aux États-Unis et va sans doute devoir payer des milliards de dollars (on parle d’une fourchette entre 10 et 18 milliards de dollars) à la justice américaine, qui reproche à Volkswagen d’avoir falsifié les contrôles antipollution à l’aide d’un logiciel détectant le moment où le véhicule était soumis à un test standard aux émissions polluantes. Depuis, le président-directeur général de Volkswagen America, Michael Horn, s’est excusé publiquement tout en avouant avoir « complètement merdé ».
Si la tricherie est indéniable, il est intéressant de comprendre en quoi consistent les tests standards, qui sont différents en Europe et aux États-Unis, le tout en prenant compte du contexte économique mondialisé.
Des carences dans les tests d’homologation
Ces tests sont de deux types : l’un dit «cycle d’essai», qui consiste à mettre le véhicule sur des rouleaux et lui faire suivre un cycle de roulement avec différentes vitesses et paliers. L’autre est un cycle en condition réelle. S’il est de notoriété publique que les chiffres de la consommation d’une voiture sur le papier sont souvent différents de la réalité, la faute est souvent mise sur le dos de l’automobiliste qui a le pied plus lourd qu’un ordinateur. Pourtant en 2006, un rapport de la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMT), une organisation internationale relevant de l’OCDE et dont les ministres des Transports de l’époque s’étaient basés pour créer le Forum international des transports (FIT), a mentionné noir sur blanc les carences des tests standards tant la différence des résultats entre les deux types de tests était importante.
Ce rapport mentionne également que certains constructeurs, sans les préciser, contournaient les «cycles» dans le but de réussir les tests. «L’écart entre les émissions à l’échappement relevées pendant les essais de réception et les émissions dans les conditions de circulation est imputable à trois facteurs : le recours par le constructeur à certains moyens lui permettant de contourner le cycle afin de réussir les essais de réception du véhicule tout en obtenant de meilleures performances de consommation de carburant (ou autres) au prix d’une augmentation des émissions lorsque le véhicule est en circulation; les systèmes de diagnostic embarqués (OBD); le comportement du conducteur», peut-on y lire. Par la suite, le rapport en conclut que «les mesures prises pour contourner le cycle d’essais ne devraient sans doute pas être considérées comme une pratique abusive, mais plutôt comme le révélateur d’une carence dans la procédure d’essais et dans la conception de la réglementation».
En d’autres termes, les ministres européens des Transports étaient donc conscients, ainsi que l’OCDE et l’organisme de certification technique allemande RWTüV qui ont participé au rapport, que les constructeurs faisaient tout pour contourner et réussir les tests tout en admettant que les procédures de test montraient des insuffisances. Pour le prouver, le rapport s’interroge sur le fait de ne pas voir d’amélioration sur «la qualité de l’air sous l’effet du renforcement des normes d’émissions, surtout eu égard aux oxydes d’azote (NOx)».
Une forme de protectionnisme?
À la vue de ce rapport, il est étonnant de voir plusieurs ministres européens déclarer vouloir la mise en place d’une enquête sur le sujet, puisqu’elle existe déjà. Mais faut-il encore prendre la peine de retourner dans les archives. Ou bien la raison est toute autre. À y regarder de plus près, les ministres ayant fait le plus de bruit sont ceux dont le pays compte un ou plusieurs constructeurs automobiles. Michel Sapin, ministre des Finances français, dont l’État détient 14,13 % du capital de PSA et 15,1 % de Renault, veut prouver que les constructeurs français ne pratiquent pas les mêmes mesures que Volkswagen.
Idem en Italie où le ministère italien des Transports va ouvrir une enquête et réclamer des explications au constructeur allemand Volkswagen. L’État italien est présent par le biais de différents investisseurs institutionnels à hauteur de 41,5 % dans FIAT. Le but étant de mettre le constructeur allemand sur les feux de la rampe, de faire la lumière sur cette affaire et sans doute d’écorcher la «Deutsche Qualität» pour le plus grand bonheur des autres constructeurs. Sans oublier de mettre la démarche au nom de la protection de l’environnement et du citoyen.
Faut-il y voir une forme de protectionnisme de la part de ces ministres? Peut-être. En tout cas, les Américains ne s’en privent pas. Les États-Unis sont coutumiers du fait. Il y a quelques mois, la justice américaine avait réussi à infliger une lourde amende à la banque BNP Paribas pour une raison, dans le fond, pas très importante. Certains experts y ont vu une forme masquée des États-Unis de faire payer un «ticket d’entrée» à une des plus importantes banques européennes s’attaquant au marché outre-Atlantique. Et si les États-Unis, qui ont des contrôles antipollution différents de l’Europe s’étaient servis de la relative légèreté des instances européennes pour faire payer un lourd ticket d’entrée à Volkswagen, qui a de plus en plus de vues sur le marché américain?
La question se pose, surtout lorsque l’on connaît les difficultés de General Motors et que la lutte contre la pollution automobile n’est pas franchement le premier souci d’un pays souvent montré du doigt pour ses émissions de CO 2 et qui refuse de «négocier sur le style de vie américain».
Jeremy Zabatta