Star de la pop aussi populaire au Nigeria que ses compatriotes Burna Boy et Wizkid, Yemi Alade prouve qu’elle reste un cas à part avec son nouvel album, Rebel Queen.
«Je fais beaucoup de choses que la plupart de mes collègues ne feront pas» : ça réussit à la star nigériane Yemi Alade, adoubée par Beyoncé et suivie par 18 millions d’abonnés sur Instagram. Comme quoi, par exemple ? «Garder parfois mes cheveux naturels, me présenter parfois sans maquillage», sourit l’artiste, rencontrée à Paris. Sa musique se démarque en brassant toutes ses influences, sans frontières : R’n’B américain, dancehall jamaïcain, rumba congolaise, afrobeat nigérian… Ce qui donne, au final, une «afropop» tout-terrain.
Les langues, d’Afrique ou d’ailleurs, s’y frôlent dans un beau ballet entre yoruba, igbo, swahili, anglais et français. La chanteuse, dans sa trentaine, a aussi le chic pour choisir des titres d’albums qui deviennent ses surnoms, comme Mama Africa, son deuxième opus en 2016, Woman of Steel (2019) ou Emperess (2020). Nouveau sobriquet en vue avec Rebel Queen, sorti fin juillet.
«Projecteurs braqués» sur l’Afrique
Cet album contient des collaborations avec Ziggy Marley, fils de Bob (sur un morceau évidemment intitulé Peace and Love), ou encore Angélique Kidjo, invitée régulière de ses disques, pour un autre titre-manifeste, African Woman. Yemi Alade est dithyrambique au sujet de cette dernière : «C’est un modèle, j’aime tout ce qu’elle a à offrir, elle est phénoménale.»
L’autre grande référence qu’elle a croisée, c’est Beyoncé, pour une participation au titre de l’Américaine My Power en 2019. C’est «Queen B» qui l’a contactée : «Mon équipe a reçu un mail, ils pensaient qu’il s’agissait d’une arnaque. Mais, quand ils m’ont montré l’e-mail, j’ai reconnu le nom de sa société, j’ai dit : « Répondez! »», raconte-t-elle. Les deux stars se sont finalement rencontrées à Londres. «C’était un rêve devenu réalité et un grand honneur. Je suis d’autant plus fière que c’était sa lettre d’amour à l’Afrique, un rappel à ses racines.»
Plus largement, Beyoncé et toutes les figures de la nouvelle pop aux États-Unis lorgnent un jour ou l’autre les musiques qui viennent de ce continent. «Les projecteurs sont braqués sur l’Afrique, en particulier sur l’afrobeat et l’amapiano», courants ultrapopulaires nés respectivement au Nigeria et en Afrique du Sud, acquiesce Yemi Alade. «Le Nigeria a quelque chose de spécial : dans les années 1970, il y avait l’afrobeat de Fela Kuti, aujourd’hui, on parle beaucoup de Burna Boy et de Wizkid», ajoute-t-elle.
Comme Superman
On a souvent décrit l’artiste comme la «fille d’à côté», pourtant transfigurée sur scène. «Je suis comme cet homme, dans son bureau avec ses lunettes, qu’on ne voit pas et, tout d’un coup, il devient Superman. Sur scène, je suis en feu et, dès que j’en ai fini avec la scène, je redeviens moi-même.» Elle porte d’ailleurs des lunettes et une tenue de ville, chemise blanche et tailleur noir, loin de la robe chamarrée de sa prestation à la cérémonie d’ouverture de la dernière Coupe d’Afrique des nations de football.
Issue d’une famille de sept enfants, trimballée aux quatre coins du Nigeria au gré des mutations de son père policier, Yemi Alade n’était pas programmée pour devenir une star. «Enfant, je faisais partie d’une chorale, puis j’ai rejoint un groupe de filles. Nous nous amusions, c’est tout. Rien de vraiment sérieux. À l’université aussi mais, honnêtement, je ne voulais pas devenir artiste.» Un jour, un ami l’inscrit à un concours de chant. «Je n’avais rien à faire, alors j’y suis allée. À la minute où j’ai gagné, une ampoule s’est allumée dans ma tête : « Tu peux en faire une carrière! »» «Je dis toujours que la musique m’a choisie», conclut Yemi Alade.