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White Men Can’t Jump : un remake pas à la hauteur


Face à l'original, le film de Calmatic ne prend malheureusement pas de hauteur et multiplie les fautes techniques. (Photos Disney)

Disney continue d’enchaîner les remakes. Le studio s’attaque cette fois à White Men Can’t Jump avec une nouvelle version qui ne cesse de faire référence à l’original sans jamais l’égaler.

En 1992, au bord d’un terrain de la banlieue de Los Angeles, Wesley Snipes, passablement embarrassé, ceinturait son partenaire d’alors, Woody Harrelson, bien décidé à «foutre la zone» dans la partie. Et face à l’échec répété aux tirs de deux sérieux adversaires, il lâchait, moqueur : «Clang, clang… Tout ce que vous envoyez, ce sont des briques!». Disney, à sa manière, les empile, année après année, lui, le grand démolisseur des mythes. Le dernier exemple en date, outre la très kitsch Petite Sirène, frappait Willow, film-doudou des années 1980, devenu avec l’entreprise aux grandes oreilles une série «cosplay» aux insipides amourettes.

Voilà qu’elle s’attaque désormais à White Men Can’t Jump, comédie de Ron Shelton devenue culte, moins pour sa qualité intrinsèque que pour son timing parfait, arrivée en effet durant l’explosion de Michael Jordan et juste avant la Dream Team des Jeux olympiques de Barcelone. Les fans de sport (et de balle orange en particulier) tombaient rapidement sous le charme de ce duo dépareillé, cœurs gros et grandes gueules, unis sous les paniers et leurs casquettes à l’envers pour le meilleur et pour le pire. Au bout, tout de même, une philosophie (de jeu) : qu’importe la couleur de peau, pourvu que l’arnaque paie, et que les matches se gagnent !

On le sait aujourd’hui, et cela se confirme sur les parquets, oui, les basketteurs noirs savent être efficaces (au détriment du spectacle) et ceux blancs savent sauter (ou «dunker») – à preuve, cette année, c’est Mac McClung qui a remporté le prestigieux concours annuel de la NBA. Cela n’a pas empêché Calmatic, jeune cinéaste surtout connu pour ses clips (on lui doit aussi le film House Party) d’utiliser le titre original pour un remake qui s’assume. Bien que modernisé, l’idée de départ est semblable : soit deux jeunes joueurs passés à deux doigts d’une carrière professionnelle qui forment une improbable équipe sur les «playgrounds» ensoleillés de la Cité des Anges.

C’est Space Jam avec Justin Bieber !

D’un côté, Kamal (Sinqua Walls), jeune star portée par un papa poule (le feu Lance Reddick) qui restera à l’état de promesse après s’être fait coffrer pour bagarre et viré de son lycée. «Du gâchis» dit l’autre, Jeremy (le rappeur Jack Harlow), qui lui aussi vit, tourmenté, dans les échecs du passé. La faute à un genou foutu, lardé d’une immense cicatrice. Fringué «comme un guignol» avec son style imparable chaussettes-Birkenstock, cet amateur de yoga, de régime végane et de programme «détox» dénote dans le milieu, comme l’était Woody Harrelson en son temps. Mais ces deux losers sans le sou ont de l’orgueil et vont se racheter. Avec leurs mains, et avec leur tête.

Ici, le basket, à l’image de ces antihéros dissemblables, est à double face. Il peut être une «malédiction» quand on répète les mêmes erreurs et que l’on gère mal la pression (du père pour l’un, du corps pour l’autre). Mais il peut être une «thérapie» quand l’ego s’efface au profit du collectif (la famille, les amis, l’équipe). Voilà en gros le message de ce White Men Can’t Jump nouvelle version qui cherche évidemment à s’enraciner dans son époque : les succès se mesurent désormais sur TikTok et Instagram, et les stéréotypes s’appliquent aux préférences culinaires et capillaires. En outre, au fil des décennies, les liens avec le rap se sont renforcés : la BO et le casting (avec Teyana Taylor et Vince Staples) le prouvent.

Les références au précédent film ne manquent pas pour autant : même terrain, même galère de couple, même lubie (planquer ses billets dans les chaussettes), mêmes femmes fortes, et surtout, les mêmes codes verbaux, à travers un baratin ininterrompu dans la pure veine «trash talk». «C’est Space Jam avec Justin Bieber!», balance ainsi un rival devant l’allure composite du collectif. Pour le reste, le film de Calmatic ne prend malheureusement pas de hauteur et multiplie les fautes techniques : les scènes de matches sont moins fluides que celles du premier volet et les propos manquent de panache, voire d’insolence. Pire, la performance de ses acteurs est plus qu’empruntée. Ces deux-là ne devraient pas dépasser le statut de «rookie». N’est pas Wesley Snipes ou Woody Harrelson qui veut !

White Men Can’t Jump de Calmatic avec Sinqua Walls, Jack Harlow… Durée 1 h 41. Genre comédie. Disney+