La dépouille de l’artiste surréaliste espagnol Salvador Dali a été exhumée jeudi soir, 28 ans après sa mort pour déterminer s’il est bien le père d’une cartomancienne espagnole assurant être le fruit d’une liaison du peintre.
Les « prélèvements d’échantillons biologiques des restes mortels de Salvador Dali ont été réalisés », a précisé dans un communiqué, vers 23h50, la Cour d’appel de Catalogne. Deux heures et demi plus tôt la tombe avait été ouverte et les médecins légistes avaient commencé leur travail. L’opération s’est déroulée à l’abri des regards, dans le Théâtre-Musée Dali de Figueras, où le peintre fantasque a été enterré, à quelque 140 km au nord de Barcelone. Pour éviter que toute image soit prise, des teintures noires avaient été dressées autour de la crypte et les nombreux journalistes dépêchés pour couvrir l’événement tenus à l’écart.
« C’est assez impressionnant, franchement, cela remue beaucoup de choses, du moins pour moi, à titre personnel, on pense aux funérailles, à l’enterrement, même si 28 ans se sont écoulés », a raconté ensuite aux journalistes la maire Marta Felip, qui a assisté à l’exhumation. Elle a précisé que l’état de la dépouille était « bon » de même que le cercueil, sans livrer de détails.
L’exhumation du fantasque peintre a été ordonnée fin juin par la justice, après la demande en reconnaissance de paternité déposée par Pilar Abel, 61 ans, qui affirme que sa mère, une employée de maison, l’avait rencontré chez des amis du peintre, à Cadaquès. A 20h, une fois les touristes partis, des experts retireront la dalle de plus d’une tonne protégeant le corps embaumé de Dali, dans une crypte située sous la coupole du Théâtre-Musée Dali de Figueras, pour prélever un extrait d’ADN de l’artiste.
Le prélèvement, « une opération technique très compliquée » selon la Fondation Dali qui gère le musée et le patrimoine de l’artiste, se fera sur « des restes osseux et/ou des pièces dentaires », selon le document judiciaire ordonnant l’exhumation. Il devra ensuite être transmis à l’Institut de toxicologie de Madrid où Pilar Abel, une femme brune aux grands yeux noirs, qui a déjà déposé un échantillon de salive. La réponse prendra quelques semaines et les preuves seront présentées lors du procès prévu le 18 septembre, selon Enrique Blanquez, l’avocat commis d’office de la plaignante.
Pour « la vérité » plus que l’héritage ?
« Je veux juste connaître la vérité, et c’est tout », a confié mercredi soir Pilar Abel, qui est née et a grandi à Figueras, la ville où Dali est né en 1904 et mort en 1989, à des journalistes dans un hôtel de Madrid. Elle assure lutter depuis dix ans pour obtenir cette reconnaissance et avoir déjà réalisé trois tests ADN, dont les résultats ne lui sont pas parvenus. Si les tests prouvaient sa filiation, elle pourrait réclamer selon son avocat 25% de l’héritage de Dali entièrement cédé à l’État espagnol : des centaines d’oeuvres d’art, dont 250 signées par le peintre des horloges molles, mais aussi des propriétés en Catalogne. Son avocat à l’époque avait estimé sa valeur à 136 millions de dollars, sans doute beaucoup plus aujourd’hui si l’on tient compte de l’inflation. Sans compter les revenus issus de l’exploitation de produits dérivés, vente d’entrées au musée…
Pilar Abel martèle cependant qu’elle a mené ces procédures pour « connaître (s)on identité » et prendre le nom de famille Dali. La plaignante assure avoir soumis à la justice un témoignage réalisé devant notaire, d’une personne qui savait et à qui Dali avait confié la tache de surveiller les faits et gestes de la mère de Pilar Abel.
L’artiste a vécu ses dernières années retiré dans son château de Pubol avec sa compagne Gala, morte en 1982, avec laquelle il n’a pas eu d’enfant. « Dali aimait sa femme, mais il l’aimait sans avoir de rapports, c’était un voyeur, je dirais. C’est pour cela que nous, les gens de Figueras, nous pensons que c’est très difficile qu’il ait pu avoir un enfant », a déclaré une habitante de Figueras, Lidia, qui assure avoir connu Dali à l’âge de 13 ans.
Le Quotidien/AFP