Accueil | Culture | Villagers : « Je ne contrôle pas où me porte ma musique »

Villagers : « Je ne contrôle pas où me porte ma musique »


Villagers présentera samedi, son nouvel album, "Darling Arithmetic", et d'anciennes chansons réarrangées. (Photo Audrey Somnard)

Villagers et son petit génie irlandais à la voix d’ange, artisans d’un folk pastoral, reviennent avec un troisième album d’une grande sensibilité, Darling Arithmetic. Entretien avant leur venue à la Rockhal.

À la tête du groupe Villagers, Conor O’Brien, Irlandais de 31 ans, a cherché dans cet album à magnifier ses chansons dans leur simplicité, tout en dévoilant pour la première fois ses propres sentiments. Le résultat est un petit bijou déjà encensé par la critique.

Entre le dernier album Awayland (2013) et la sortie la semaine dernière de votre nouvel album, Darling Arithmetic, vous avez sorti la chanson Occupy Your Mind, plutôt rock. On ne s’attendait donc pas à un album aussi épuré et sobre que celui-ci. Pourquoi ce choix de revenir à une musique folk ?

Conor O’Brien : Je ne contrôle pas vraiment où me porte ma musique, et si je poursuis quelque chose, je ne sais pas ce que c’est ! C’est un peu schizophrène tout ça. Mais en tout cas, comment expliquer ce changement ? Je n’en ai aucune idée. Je pense qu’on peut tout aussi bien expérimenter et essayer de nouvelles choses avec un album aussi apparemment « simple » que Darling Arithmetic.

En termes de texture, par exemple. Je pense que mon expérimentation m’a porté cette fois à un certain minimalisme, à enlever le plus de choses possible. L’idée était vraiment d’avoir des chansons les plus dépouillées possibles. Je voulais arriver à une simplicité dans mes chansons, chose que je n’avais jamais réussie à faire jusqu’ici. Ces morceaux sont simples, mais ils reflètent différentes phases que j’ai éprouvées, des émotions qui m’ont un peu fait sentir schizophrène.

Lors du dernier album, vous sembliez ouvert au travail de groupe, en acceptant les suggestions et les critiques. Vous avez fait cette fois le choix de revenir à un travail seul, cloîtré chez vous. Pourquoi ?

C’est peut-être parce que je suis narcissique ! (rire) Je pense que tout le processus a duré huit mois. Au début, je pensais que j’allais amener les chansons dans un studio, les présenter aux musiciens… Mais, en fait, j’ai réalisé que ce que j’avais me plaisait. En réalité, il s’agit de démos que j’ai enregistrées seul chez moi, et que je n’ai finalement pas retouchées, car le son était parfait. Je n’avais aucune pression lorsque je les ai enregistrées, car je pensais que personne ne les entendrait. Je chantais presque pour moi-même, du coup, il n’y a pas tout le stress que peut représenter l’enregistrement en studio. C’est vraiment ça que j’ai aimé dans cet album.

Darling Arithmetic est présenté comme un album sur les relations amoureuses. On y entrevoit pourtant beaucoup de sentiments liés à la rupture amoureuse…

Ce n’est pas tout à fait vrai… Au début de l’album, avec la chanson Dawning on Me, je parle de ce moment où vous traînez au lit avec votre partenaire et que la lumière du soleil traverse la fenêtre, un certain moment de plénitude. C’est ce moment où l’on ne se pose pas de questions, on est juste là avec son ami(e) et c’est un sentiment si naturel. Et la chanson The Soul Serene parle de trouver la paix avec soi-même. Alors j’espère que ces moments de vie contrebalancent la noirceur dans cet album… Même s’il est difficile pour moi de me débarrasser complètement de mon côté dépressif (rire).

Vous avez dédié la chanson Occupy Your Mind à vos « frères et sœurs gays de Russie » lors des JO. Avec ce nouvel album, le titre Hot Scary Summer s’attaque aux homophobes, un autre se moque encore des bigots… Doit-on y voir un message politique ou est-ce plus personnel ?

Je crois qu’il s’agit avant tout d’un message humain avant d’être politique… J’ai écrit Hot Scary Summer lorsque j’étais au Japon. Avec le groupe, on voulait remercier l’équipe de la salle en leur disant : « Thank you for your hard work » [merci pour votre travail], et en japonais cela sonnait un peu comme « hot scary summer », et c’est devenu la première phrase de la chanson. Cela m’a rappelé le sentiment qu’on peut avoir à la fin d’une relation amoureuse, quand on se dit : « Merci, mais c’est bien fini. »

Je pense que c’est parti de là, tous ces sentiments négatifs liés aux relations amoureuses, mais aussi à la violence des homophobes, car je l’ai expérimenté moi-même, comme tout membre de la communauté LGBT. Sans vouloir en faire une déclaration politique, c’est venu naturellement en fait. C’est juste une chanson à propos d’un sentiment humain.

C’est une partie de votre personnalité que vous n’aviez pas révélée publiquement ou à travers vos chansons jusque-là…

Oui, c’est vrai. Je pense que je n’étais pas assez à l’aise pour en parler avec des inconnus. J’étais tout à fait à l’aise dans ma vie privée, avec mes proches. Mais pas au point de le chanter sur scène devant un public que je ne connais pas. Mais maintenant, j’ai atteint un âge où je ne me soucie plus tellement de tout ça, j’ai plus confiance dans mon écriture, et donc en moi-même.

Entretien avec Audrey Somnard

Rockhal d’Esch-Belval. Samedi à 20h30.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.