La tête qui tourne, les poumons en feu, les muscles tétanisés: la Verticale de la Tour Eiffel est une épreuve harassante, même si elle ne dure pas longtemps. Record à battre pour les 100 athlètes qui vont s’élancer jeudi pour la deuxième édition de cette course hors normes : 7 min 50 sec.
Le programme tient en un chiffre : 1 665. Le nombre de marches que les coureurs doivent gravir en s’élançant un par un en contre-la-montre dans les entrailles d’un des monuments les plus connus du monde, visité chaque année par 7 millions de personnes.
Une équipe de journalistes a pu gravir la tour, en avant-première, dans les conditions de l’épreuve.
Le couloir de course est connu: un escalier en fer de plus en plus exigu, débarrassé pour l’occasion de ses touristes. L’athlète le grimpe le regard vissé vers le haut, sur trois étages et 279 mètres (l’antenne de la tour culmine à 324 mètres).
Dans ce raid contre le temps, la témérité initiale s’émousse au fil de l’ascension. Dans les premières marches, le coureur se sent léger, virevoltant. Il monte, saute, tournoie dans une répétition sans fin. Et part trop vite. La sanction tombe dès le premier étage (57 m): les quadriceps s’engourdissent, la rambarde devient une précieuse alliée et le «cardio» s’envole à des niveaux insoupçonnés.
Le souffle se raccourcit alors que le vent fouette de toutes parts la structure ajourée. Pas de répit. Les marches sont sans concession, verticales parfaites et sans pitié. A l’assaut du deuxième niveau (115 m), l’enchaînement des épingles à 180 degrés et l’altitude font tourner la tête.
«On meurt lentement»
On repense aux témoignages des athlètes qui sont passés par là. «C’est pire qu’un sprint, pire qu’un marathon, et même pire que de donner naissance», avait raconté l’an passé une habituée de ces «courses d’escaliers», qui a aussi gravi l’Empire State Building à New York. «Au fil des marches, on meurt lentement», grimaçait une autre. Il faut donc 5 minutes et quelques secondes à un athlète du dimanche pour gravir les deux premiers étages. Mais là, mauvaise nouvelle: au 2e étage, on n’a fait que la moitié de la course, pas les deux tiers…
Le dernier tronçon est le plus pénible. Pas seulement parce qu’il est le plus long et que la fatigue écrase l’athlète à ce stade de la course. Le dernier tronçon c’est un escalier de service, fermé au public et très étroit. Par endroits les grilles qui vous protègent du vide font un mètre. La structure de fer est de plus en plus mince. Et les marches sont ajourées. Le vertige saisit à la gorge. Le jour de la course, des secouristes sont positionnés à chaque épingle à cheveux pour prendre en charge la moindre défaillance et éviter l’accident.
La vue est à couper le souffle, mais les coureurs n’en jouiront qu’au sommet. Car dans le mikado de fer, le regard fixe avant tout les marches, détourné seulement par le jeu des poulies qui s’ébranlent au passage d’un ascenseur. La volée d’escaliers et les millions de rivets qui assemblent la structure se déroulent sans fin. En ce jour de mars, le vent, le froid et même la neige battent les dernières marches, saluant les forçats venus s’éteindre à petit feu tout en haut de la Dame de fer, pour la délivrance.
Il a fallu deux ans, deux mois et cinq jours pour construire la Tour Eiffel et seulement 7 min 50 sec au vainqueur de la Verticale l’an dernier, le Polonais Piotr Lobodzinski, pour grimper les trois étages. Cette année, Lobodzinski remet son titre en jeu. Il aura face à lui 39 athlètes élite, 50 coureurs confirmés (moins de 3h30 au marathon) tirés au sort et 10 invités choisis sur dossier. Verdict jeudi à partir de 19h30 GMT.
Le Quotidien/AFP