Des centaines d’hommes pieds nus se sont flagellés, et une dizaine ont été cloués sur des croix lors des cérémonies du Vendredi saint aux très catholiques Philippines, un témoignage de foi aussi sanglant qu’extrême, mais non cautionné par l’Église.
Les actes d’autoflagellation et les crucifixions se répètent chaque année dans cet archipel très majoritairement catholique où certains tirent une fierté du fait de vivre dans leur chair la Passion de Jésus Christ. Les Philippines comptent 80 millions de catholiques qui pour la plupart célèbrent à l’église en famille le Vendredi saint, le jour où Jésus Christ mourut selon la tradition sur la croix.
Mais il est dans certaines régions des jusqu’au-boutistes qui croient que la souffrance peut permettre d’expier les péchés ou d’obtenir une intervention divine. Un spectacle gore et une attraction touristique majeure.
Ainsi au nord de Manille, des hommes coiffés d’une couronne d’épines avancent lentement sous la chaleur accablante d’une route de la province de Pampanga. À intervalles réguliers, ils se frappent le dos avec des lamelles de bambou accrochées au bout d’une corde.
Wilfredo, 14 fois crucifié
« C’est un engagement religieux. Je le ferai chaque année, tant que je le peux », assure Resty David, un chauffeur de camion de 38 ans qui se flagelle depuis près de 20 ans. Il espère notamment convaincre Dieu de guérir son frère du cancer.
Le sang et la sueur s’écoulent sur les pantalons des pénitents. Chaque coup de fouet entraîne aussi des grimaces dans le public. Certains spectateurs essaient tant bien que mal d’éviter les éclaboussures quand la procession passe à leur niveau. Il s’en trouve parmi ces derniers qui ont conduit des heures pour observer ces témoignages extrêmes de ferveur. Le clou du spectacle sera bien sûr pour eux les crucifixions.
Des pointes de huit centimètres sont enfoncées dans les mains et les pieds du pénitent, avant que la croix en bois ne soit brièvement élevée par des hommes déguisés en Romains, afin que la foule puisse apercevoir le supplicié volontaire. Accroché à sa croix dans un village proche de la ville de San Fernando, à 70 km au nord de Manille, Wilfredo Salvador, dont c’était la 14e crucifixion, a regardé les cieux et semblé marmonner une prière. Très vite, on a remis la croix à terre et retiré les clous, pour prodiguer des soins au crucifié de 62 ans aux cheveux gris en bataille et à la longue barbe.
« Tendances pharisaïques »
« Je ne m’arrêterai pas tant que je serai en vie, parce que c’est ce qui me donne la vie », dit Wilfredo Salvador au sujet de sa crucifixion annuelle. Un rite qu’il s’est infligé pour la première fois il y a 14 ans, après une dépression nerveuse.
« Je suis un peu sous le choc », concédait Annika Ehlers, une touriste allemande de 24 ans, après la crucifixion de Wilfredo Salvador. « C’est très intense. Je ne m’attendais pas à quelque chose comme ça. »
L’Église estime elle que les fidèles devraient passer le Carême dans la prière et la réflexion. « La crucifixion et la mort de Jésus sont plus que suffisantes pour sauver l’humanité des effets de ses péchés. Ce sont des événements qui arrivent une fois dans la vie et qu’il n’est pas besoin de répéter », a déclaré le père Jerome Secillano, de la Conférence des évêques catholiques des Philippines. « La Semaine sainte (…) n’est pas le moment de faire étalage de la propension de l’homme au divertissement et des tendances pharisaïques », a-t-il ajouté. Près de 80% de la population de l’archipel est catholique, un héritage de 300 ans de colonisation espagnole.
AFP