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Valeria Bruni Tedeschi « tombe le masque » au théâtre avec Fassbinder


L’actrice et réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi revient au théâtre, quatre ans après « Rêve d’Automne » avec Patrice Chéreau dans « Les larmes amères de Petra von Kant » de Fassbinder, où elle se réjouit de pouvoir « tomber le masque ».

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Valeria Bruni Tedeschi le 23 septembre 2014 à Paris. (Photo : AFP)

« Dans la vie, on porte un masque, on est bien élevé, gentil quand on ne voudrait pas l’être, on fait semblant d’aller bien même quand ça ne va pas. Moi je me sens très guindée, très politiquement correcte! », s’exclame-t-elle. « Le théâtre permet de faire tomber le masque, d’exploser l’hypocrisie et c’est très réjouissant, ça », dit l’actrice. Rainer Werner Fassbinder, dont plusieurs pièces ont fait scandale à leur création, bisexuel et auteur de magnifiques personnages féminins incarnés par Hannah Schygulla, ne faisait certes pas dans le « politiquement correct ».
« Il vivait, aimait, travaillait, réfléchissait, avec une conscience politique très forte. Chez lui, la sexualité, les rapports de domination, la politique tout est emmêlé, il n’y a pas de frontière de l’une à l’autre ». Fassbinder écrit sa pièce (devenue un film) en 1971, au milieu d’une carrière théâtrale fulgurante – il meurt en 1982 à 37 ans d’une overdose.
Il a 25 ans et crée ce personnage de Petra, une styliste dans la maturité, victime d’un amour dévastateur pour une jeune fille d’une autre classe sociale. « Thierry de Peretti (metteur en scène de la pièce) m’a beaucoup parlé de mon personnage comme d’une sorte d’alter ego féminin de Fassbinder, donc je me sens d’autant plus légitime si j’ai envie d’être incorrecte sur scène », lance Valeria Bruni Tedeschi.
> « Je trouve le théâtre plus difficile que le cinéma »

A 50 ans, l’actrice a été séduite par ce rôle d’une femme « à la moitié de son existence » qui remet tout en cause. « Cela arrive ces crises de la cinquantaine où les gens se remettent en question, changent de métier, d’amoureux et parfois même d’attirance sexuelle, comme dans la pièce où Petra se découvre pour la première fois avoir du désir pour une femme ».

Le regard bleu azur se perd dans le lointain, et la voilà qui cite joliment le début de la Divine Comédie de Dante, sur la banquette d’un café parisien : « au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure car la voie droite était perdue ». « Fassbinder aime bien mettre en relation deux personnes que rien ne devrait faire tomber amoureuses », observe-t-elle, comme dans Tous les autres s’appellent Ali où une vieille dame et un jeune immigré marocain tombent amoureux. « Ce qui se passe souvent, dans ses films et ses pièces, c’est que la société est plus forte qu’eux et que l’histoire d’amour ».

La pièce met en scène six femmes, l’occasion de voir sur scène une brochette d’actrices, de Zoé Schellenberg (la jeune amante, Karine) à Lolita Chammah, la fille d’Isabelle Huppert en passant par la propre mère de Valeria, Marisa Borini. Cette dernière fait là ses débuts au théâtre à 80 ans. « La dernière fois, elle avait 9 ans et c’était un spectacle de fin d’année ! » sourit-elle. « J’adore jouer avec elle, j’adore être avec elle tout simplement », ajoute-t-elle.

Il faut bien ça pour surmonter l’appréhension de la scène. « Je trouve le théâtre plus difficile que le cinéma, je redoute le fait de répéter tous les soirs la même chose. Heureusement, Peretti essaie de nous enlever cette sensation de répétition angoissante, artificielle, de faire de chaque soir une sorte de performance unique ». Jouer au théâtre est « une souffrance, mais les choses changent », espère-t-elle. « J’ai l’impression que là c’est plus joyeux. Il y a une démesure, une insolence dans cette pièce qui sont très joyeuses ».

AFP