Le courage des femmes, les tourments de l’exil, des souvenirs de famille, de l’uchronie sans oublier la voix de Jésus sont au programme de la rentrée littéraire d’automne qui démarre.
Des femmes remarquables
Parmi les livres les plus attendus – et les plus réussis – de cette rentrée, il y a Les Choses humaines (Gallimard) de Karine Tuil, une histoire autour d’une affaire de viol qui nous parle aussi de domination, des faux-semblants et du culte de la performance… S’inspirant très librement de « l’affaire de Stanford », un viol sur un campus américain, Karine Tuil a choisi de dérouler son récit du point de vue de l’agresseur (un étudiant brillant) et de sa famille (un journaliste très en vue et une essayiste féministe).
Le viol est également l’objet de Se taire (Julliard) de Mazarine Pingeot qui s’intéresse à la sidération et au silence de la victime après le crime.
Autre roman guetté par les lecteurs, Une joie féroce (Grasset) de Sorj Chalandon est un livre paradoxalement vif et joyeux sur sujet anxiogène : le cancer du sein. Avec sa merveilleuse narratrice, le romancier a l’élégance de nous faire sourire quand nous voudrions pleurer.
Dans La Mer à l’envers (P.O.L), Marie Darrieussecq a choisi d’évoquer une femme très ordinaire, Rose, qui va se révéler extraordinaire après avoir été témoin en Méditerranée d’un sauvetage de migrants parmi lesquels se trouve le jeune Younès, pas beaucoup plus âgé que son fils.
Nathacha Appanah dresse le portrait d’une autre femme magnifique dans Le Ciel par-dessus le toit (Gallimard), un roman lumineux autour de Phénix, mère célibataire à l’enfance saccagée dont le fils est en prison et la fille loin d’elle. Pour retrouver ses enfants, Phénix devra vaincre sa colère et le sentiment de culpabilité qui l’accable.
On retrouvera encore des femmes remarquables dans Cora dans la spirale (Seuil) de Vincent Message, histoire d’une femme broyée par son entreprise.
Une autre histoire du monde
Avec Civilization (Grasset) Laurent Binet a choisi de renverser le cours de l’Histoire en imaginant l’Europe envahie par les Incas au début du XVIe siècle. Son livre, à la fois érudit et espiègle, est un régal de lecture et laisse entrevoir qu’un autre monde est toujours possible.
Léonora Miano nous transporte dans le futur dans Rouge impératrice (Grasset), un des gros pavés (600 pages) de la rentrée. Baptisée Katiopa, l’Afrique est devenue un continent unifié et prospère où résident quelques descendants d’Européens vivant repliés sur leur identité. Dans une langue à la fois charnelle et sensuelle, la romancière née au Cameroun s’amuse à renverser les codes des systèmes de domination.
Secrets de famille
La Tentation (Stock), nouveau roman de Luc Lang, nous fait suivre un homme solitaire confronté à la violence et à l’étiolement de sa famille. Ce puissant roman aux accents métaphysiques (on pense en le lisant à la « tentation du désespoir » de Bernanos) est l’un des meilleurs de l’écrivain.
Des secrets de famille sont pudiquement révélés dans La Part du fils (Stock) de Jean-Luc Coatalem mais aussi dans Le Ghetto intérieur (P.O.L), récit bouleversant de Santiago H. Amigorena.
Patrick Deville nous émeut avec Amazonia (Seuil), récit d’une remontée de l’Amazone et poignante déclaration d’amour d’un père à son fils.
Jésus parle
Le narrateur de Soif (Albin Michel), le 28e roman d’Amélie Nothomb est… Jésus. Il raconte ses dernières heures dans un livre qu’on aurait aimé plus dense.
On pourra lui préférer L’Arbre d’obéissance (P.O.L) de Joël Baqué qui se met dans la peau d’un moine du IVe siècle pour raconter la vie d’un ermite ascétique. Dépaysement assuré.
Les amoureux de la lecture se régaleront avec Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même manière (L’Olivier) de Jean-Paul Dubois et Les Petits de Décembre (Seuil) de Kaouther Adimi, formidable récit sur la résistance face à la corruption (et l’amour du football) d’attachants gamins algériens.
Parmi les autres livres à découvrir, on ne négligera pas Eden (Gallimard) de Monica Sabolo, livre sombre et sensuel sur l’adolescence ni Éloge des bâtards (Verticales) d’Olivia Rosenthal ou encore Attendre un fantôme (Joëlle Losfeld) de Stéphanie Kalfon qui raconte la difficile reconstruction d’une jeune femme après la mort de son compagnon tué dans un attentat.
AFP