Pour une histoire, c’est une sacrée histoire… Remontons au 13 septembre dernier : le directeur du Mudam, Enrico Lunghi, avait perdu patience face aux questions de Sophie Schram lors d’une interview pour RTL. Il avait saisi son poignet et s’était emparé de son micro, lui disant : « Si tu diffuses ça, je ne te parle plus.»
Presque un mois plus tard, le 3 octobre, le responsable de l’émission Den Nol op de Kapp , Marc Thoma, présente un reportage faisant état de la plainte de la journaliste pour coups et blessures volontaires. La vidéo montre la scène de la dite «agression» – alors qu’une première mouture, diffusé le 20 septembre, ne la montrait pas. Ajoutez à cela la réaction immédiate de Xavier Bettel, en tant que ministre de la Culture, indiquant qu’une procédure disciplinaire va être ouverte contre le directeur du Mudam (du fait de son statut de fonctionnaire en disponibilité), et il n’en faut pas plus pour que ce ridicule fait divers sente la manœuvre politique à plein nez.
Lâché par son conseil d’administration, qui dit «regretter profondément» son «attitude déplacée», Enrico Lunghi annonce sa démission le 28 octobre, après huit ans de bons et loyaux services. S’ensuit alors une campagne nationale et internationale de soutien à sa cause. Le Comité international des musées d’art moderne observe notamment que «ses détracteurs luxembourgeois le harcelaient depuis des années» et que «partout les pressions contre ceux qui défendent un art contemporain libre et ambitieux s’accentuent». Certains parlent d’« assassinat médiatique» , d’autres d’actions « antidémocratiques ». Les deux avis semblent se vérifier lorsque que la totalité du reportage démontre qu’il est bel et bien question d’un montage à charge.
Tandis que Enrico Lunghi porte plainte pour diffamation, l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA) ouvre une enquête et c’est Alain Berwick, directeur général de RTL Télé Lëtzebuerg, qui en fait les frais et démissionne à son tour. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Un gouvernement embarrassé, une chaîne fragilisée et surtout un musée sans tête.
Le successeur sera sûrement connu courant de cette année, une fois que les remous se seront calmés et que le public regardera ailleurs. Le plus grand perdant dans l’affaire sera sans doute le Mudam qui, après avoir perdu un directeur tout acquis à sa cause, devra regagner une crédibilité – chose jamais aisée, surtout ici, au Luxembourg.
Grégory Cimatti