Romancier connu et reconnu, Philippe Claudel signe son quatrième film : Une Enfance. En Lorraine, un adolescent de 13 ans est projeté vite, trop vite dans l’âge adulte…
Agrégé de lettres et membre de l’académie Goncourt, il enseigne aussi l’écriture à l’Institut européen du cinéma et de l’audiovisuel à l’université de Lorraine. Auteur connu et reconnu (entre autres, Les Âmes grises, prix Renaudot en 2003), Philippe Claudel ne veut pas rester enfermé dans un seul genre. Ainsi, il est également réalisateur, et cette semaine sort en salles son quatrième film, Une Enfance. Un film qui emmène le spectateur dans la ville natale de Philippe Claudel : Dombasle-sur-Meurthe, 10 000 habitants dans la banlieue de Nancy.
Là, il a imaginé Jimmy, un adolescent de 13 ans. C’est l’été – un été long, trop long. Les circonstances et les hasards de la vie vont obliger le gamin à passer vite, trop vite à l’âge adulte. À l’âge d’homme. C’est la ballade de Jimmy, une vie heurtée et cabossée dans une petite ville. Il y a aussi Pris, la mère à la dérive. Et Duke, le beau-père qui maintient son emprise sur cette mère en perdition.
Après son troisième film, Avant l’hiver (2013), Philippe Claudel a tenu à tourner Une Enfance dans sa ville et sa région natales. « On y passe sans transition d’un champ avec des vaches à un entrepôt industriel, des bords bucoliques d’une rivière ou d’un canal au corps monstrueux et bruyant d’une sorte de haut-fourneau , confie-t-il. Ici, tout coexiste, tout cohabite, tout s’interpénètre. Visuellement, c’est bien entendu quelque chose de formidable à exploiter, et cela permet aussi d’enrichir la psychologie et le parcours de Jimmy. »
«Des petits Jimmy, j’en entends tous les jours»
Le réalisateur tenait aussi à montrer la mixité sociale, là où des maisons bourgeoises côtoient une cité ouvrière comme celle qui sert de décor principal au film. Encore Claudel : « Je souhaitais laisser un témoignage de cette réalité sociale : les maisons qui jalonnent la rue dans laquelle habite le personnage de Jimmy ont toutes été rasées et détruites à l’issue du tournage .» Avec Une enfance , Philippe Claudel n’a pas seulement changé de décor. Il s’est attaqué à une autre thématique : après l’entrée dans l’hiver de la vie et le fait de perdre illusions et rêves dans Avant l’hiver , il plonge cette fois dans le thème de l’enfance, cette période de la vie emplie d’innocence, de joie et du désir d’insouciance.
« Je voulais , dit le réalisateur, confronter tout cela à la violence de situations psychologiquement âpres, à des injonctions, des demandes, des choix auxquels un enfant ne devrait pas être soumis. Jimmy est au cœur de forces mécaniques contraires. Il a envie de vivre son enfance, mais il ne peut pas le faire vraiment car pèsent sur lui des responsabilités qui ne sont pas de son âge .» Pour Avant l’hiver , Claudel avait réuni un casting haut de gamme avec, entre autres, Daniel Auteuil, Kristin Scott Thomas et encore Laure Killing.
Cette fois, pour Une enfance, il a opté pour des comédiens beaucoup moins connus du grand public – Angelica Sarre dans le rôle de la mère et Pierre Deladonchamps dans celui du beau-père sont parfaits. Quant au personnage de Jimmy, il est interprété par le très prometteur Alexi Mathieu, qui fait là ses débuts au cinéma, jouant un personnage proche de Claudel : « Des petits Jimmy, des Duke, des Pris, j’en vois, j’en entends tous les jours ou presque, je connais des histoires», l’auteur, également enseignant.
Serge Bressan
Une enfance, de Philippe Claudel. (France, 1h40), avec Alexi Mathieu, Angelica Sarre, Pierre Deladonchamps…