Le festival CinÉast a levé le voile sur sa quatorzième édition, qui invitera les spectateurs à s’évader, du 7 au 24 octobre, dans les cinémas de Luxembourg… ou à la maison.
De retour pour une quatorzième édition, du 7 au 24 octobre, le festival CinÉast reprend ses quartiers dans les cinémas de la capitale du Grand-Duché. En version hybride, sur le modèle de l’année dernière, mais «dans de meilleures conditions», assure Radek Lipka, directeur du festival dédié aux cinémas d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. L’assouplissement des mesures sanitaires et l’instauration du Covid Check permet d’envisager en moyenne par salle, «un public de 80 spectateurs, contre trente en 2020».
Mais à bien regarder l’affiche de cette nouvelle édition, qui représente une personne jouer au funambule en bord de mer, le festival veut surtout prendre de la hauteur et transmettre au public les sensations d’espace et de liberté en cette sortie de pandémie qui a handicapé les rendez-vous culturels depuis mars 2020. «Nous essaierons de faire en sorte que l’édition 2021 soit le plus proche possible de l’édition 2019 et des précédentes», a déclaré le directeur lors de la conférence de presse du festival, à la Cinémathèque. La funambule de l’affiche cache aussi un autre clin d’œil : «Marcher sur un fil, ça résume bien ce que l’équipe du festival a connu depuis deux ans», elle qui s’est retrouvée par deux fois dans le brouillard des mesures sanitaires, avant d’être certaine de pouvoir revenir investir les salles de Luxembourg. «Nous privilégierons toujours le cinéma comme expérience sociale», maintient Radek Lipka, tandis que Claude Bertemes, directeur de la Cinémathèque, considère le cinéma comme «l’art de l’évasion et du rêve collectif, ce qui est difficilement accessible chez soi».
«Rêves d’évasion»
Les mots des organisateurs, de même que l’affiche du festival, répondent ainsi à la thématique générale de cette édition 2021 : «Rêves d’évasion». Un mot d’ordre qui guidera le festival CinÉast tout au long de ses deux semaines, et à travers les 55 longs métrages et 35 courts métrages qui y seront présentés, ainsi que les autres événements proposés, dont des concerts, des débats ou encore des expositions. «Rêves d’évasion / Dreams of Escape», c’est par ailleurs le titre de l’exposition photographique visible à Neimënster, où se tiendra le quartier général du festival, dès le 7 octobre. Celle-ci «réunira cinq projets, répartis dans trois expositions et deux projets collectifs, pour une centaine d’œuvres au total», informe Radek Lipka.
Depuis le 1er janvier, la Slovénie a pris la présidence de l’Union européenne. L’année 2021 marque aussi les trente ans d’indépendance du pays, à la suite de la chute du rideau de fer et du démantèlement de l’Union soviétique. Il n’en fallait pas plus au festival pour mettre sur pied un «Focus sur la Slovénie» qui marquera cette édition, avec notamment six longs métrages qui présenteront un panorama de la production du pays, ainsi que trois courts métrages. À ne pas louper, le classique slovène de cette édition, Grandma Goes South (Vinci Vogue Anzlovar, 1991), «road movie» culte dans lequel une grand-mère excentrique s’échappe de sa maison de retraite, embarquant au passage deux jeunes musiciens qui l’accompagneront dans sa fuite à bord d’une Mercedes décapotable. Premier film produit après l’indépendance de la Slovénie, il sera projeté une première fois le 8 octobre à 19 h à Neimënster.
Sept films en compétition
Alors que les festivals peuvent de nouveau, et sans grands encombrements, accueillir de nouveau des invités, le festival CinÉast en fera venir plus d’une vingtaine, un nombre qui pourrait encore augmenter d’ici au début de l’édition 2021, précise Radek Lipka. Le jury international sera, quant à lui, présidé par le cinéaste roumain Radu Jude, grand vainqueur de l’Ours d’or de la dernière Berlinale avec sa fable féroce, hardcore et excentrique Bad Luck Banging or Loony Porn, coproduite au Luxembourg. Le réalisateur rencontrera le public le 24 octobre, à l’occasion d’une conversation à la Cinémathèque.
Aux côtés de Radu Jude, on trouvera dans le jury la codirectrice du Festival international du film de Bruxelles Céline Masset, la réalisatrice tchèque Michaela Pavlatova, l’actrice et réalisatrice luxembourgeoise Larisa Faber et le producteur et réalisateur luxembourgeois Nicolas Steil. À eux de récompenser deux des sept films en compétition par un Grand Prix et un prix du jury : Celts, de Milica Tomovic (Serbie); Forest – I See You Everywhere, de Bence Fliegauf (Hongrie); Inventory, de Darko Sinko (Slovénie); Miracle, de Bogdan George Apetri (Roumanie / République tchèque / Lettonie); Murina, d’Antoneta Alamat Kusijanovic (Croatie / États-Unis / Brésil / Slovénie); Never Gonna Snow Again, de Malgorzata Szumowska et Michal Englert (Pologne / Allemagne); et Saving One Who Was Dead, de Vaclav Kadrnka (République tchèque / Slovaquie / France).
«Coup de cœur» pour les femmes
Radek Lipka pointe le fait que les femmes sont en majorité dans le jury international, et que trois des sept films en compétition sont réalisés ou coréalisés par des femmes. Sur l’entièreté du programme du festival, les réalisatrices représentent «environ 35 % à 40 % des films présentés». Le directeur tient à se rapprocher de la parité et, pourquoi pas, la dépasser dans le futur. Par hasard, ou pas, des femmes ont réalisé ou coréalisé cinq des dix films «coup de cœur» du festival. On compte parmi elles la Kosovare Blerta Bashvilli, réalisatrice de Hive, film d’ouverture qui a raflé trois prix à Sundance, l’habituée de CinÉast Laila Pakalnina, cinéaste lettone qui proposera une «réinterprétation de Blanche Neige dans le milieu du fitness, qui tourne en dérision la génération selfie» avec son film tourné à la première personne In the Mirror, la Géorgienne Déa Kulumbegashvili avec Beginning, un premier film qui détient le record de prix raflés à San Sebastian, la jurée Michaela Pavlatova, dont le dernier film d’animation, My Sunny Maad, clôturera le festival, et la régionale de l’étape, Karolina Markiewicz, qui sera présente avec Les Témoins vivants, coréalisé avec son binôme Pascal Piron. Déjà présenté au LuxFilmFest plus tôt cette année, la projection de ce dernier film sera immanquable à CinÉast puisqu’elle sera suivie d’une discussion avec les réalisateurs (le 14 octobre au CNA Dudelange), et avec Marian Turski, rescapé de la Shoah qui tient une place de choix dans le documentaire.
Les autres coups de cœur du festival sont tout aussi attendus : une autre coproduction luxembourgeoise, As Far As I Can Walk, de Stefan Arsenijevic, une histoire de migrants basé sur un poème médiéval serbe, a «dévalisé les prix du festival de Karlovy Vary», tandis que Sanremo, de Miroslav Mandic, offre une autre perspective sur la démence, déjà superbement mise en scène cette année dans The Father. On notera aussi The White Fortress, d’Igor Drljaca, un conte de fées moderne dans le Sarajevo d’aujourd’hui, ou encore le très attendu nouveau long métrage du Hongrois Kornél Mundruczo – dont le premier film en anglais, Pieces of a Woman, avait beaucoup fait parler lors de sa sortie, en janvier, sur Netflix –, Evolution. Enfin, on attend beaucoup du documentaire The Balcony Movie, du cinéaste polonais Pawel Losinski : ancien assistant de Krzysztof Kieslowski, le réalisateur «passe aux rayons X la société polonaise» en engageant la conversation avec des passants depuis son balcon. Un film réalisé avant la pandémie, précise Radek Lapka, mais qui trouve d’étranges échos avec les confinements que le monde a connus récemment.
Valentin Maniglia
Le programme complet de l’édition 2021 de CinEast, ainsi que la billetterie pour les séances en salles et en ligne, sont disponibles sur www.cineast.lu.