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Un polar bien noir sous la plume de Gaston Zangerlé


«Je suis fan de polars depuis très longtemps, j'en lis beaucoup et j'ai voulu en écrire un moi aussi», confie Gaston Zangerlé. (photo Pablo Chimienti)

«Sous un lampadaire central du boulevard de l’Europe pendait un homme vêtu d’un costume gris», peut-on lire dès la quatrième ligne de « Karukera Gang », de l’écrivain et journaliste luxembourgeois Gaston Zangerlé. L’auteur ne traîne pas pour lancer l’intrigue de ce polar entre le nord de la France et la Guadeloupe.

Si Gaston Zangerlé n’est pas un inconnu au niveau de l’écriture et de l’édition – ancien journaliste du Républicain lorrain, du Luxemburger Wort et, dernièrement directeur de Revue, mais aussi éditeur et auteur de livres pour enfants ainsi que de biographies de sportifs, principalement de cyclistes –, il fait, là, avec Karukera Gang (Caraïbéditions) sa toute première incursion dans le monde des polars. «Je suis fan de polars depuis très longtemps, j’en lis beaucoup et j’ai voulu en écrire un moi aussi», explique-t-il. Rédigé il y a trois ans, Karukera Gang n’a été publié que cette année, juste avant l’été.

«Karukera, précise l’auteur, est le nom indien de la Guadeloupe», la «plus belle île du monde» peut-on lire dans le livre. Île, en tout cas que Gaston Zangerlé considère comme sa «seconde patrie».

C’est donc là-bas, entre les gens, la musique, la canne à sucre et le rhum de Basse-Terre que se déroule la majeure partie du roman. Une histoire qui commence cependant à Calais. C’est là qu’on fait la connaissance du commissaire de police judiciaire Bernard Kowalski, homme solitaire et bourru sur la cinquantaine, et de la lieutenant Geneviève Friand, célibataire endurcie, la trentaine, belle et intelligente, mais pour qui la vie se résume à son travail de flic.

L’homme pendu des premières lignes se nomme Dirk Vanbroek, directeur général de la société Ship-Inter, société luxembourgeoise chargée des travaux de dragage du port de Calais. Très rapidement, il semble évident que sa mort est liée à une affaire de trafic de drogue. De la cocaïne pour être précis, dont la filière passe par le nord de la France en provenance du Venezuela et de Colombie, via les Antilles françaises.

C’est ainsi que les deux policiers nordistes vont quitter la côte d’Opale pour se rendre en Guadeloupe et collaborer avec leurs homologues locaux, le commissaire Anténor Boissalé et le capitaine José Ajoupa. Mais chez Gaston Zangerlé, point de guerre des polices. La collaboration va se passer à merveille. Heureusement d’ailleurs car le cas est complexe, touche des rivalités historiques, rouvre de vieilles histoires de familles et gêne surtout de dangereux trafiquants de drogue au départ de toute l’affaire. Les fausses pistes vont alors se multiplier, tout comme les cadavres.

«Il faut un peu de sexe dans un bon livre»

L’histoire est bien menée, rythmée, riche sans être trop complexe. Et l’enquête avance rapidement, mais sans jamais brûler d’étapes. En d’autres termes ce Karukera Gang est un livre court – moins de 200 pages en format poche – qui se lit agréablement et qui présente des personnages attachants. L’histoire est entièrement fictive, mais réaliste et comporte de nombreux clins d’œil à des situations existantes.

Un livre, qui malgré son aspect sombre, noir – c’est un polar après tout – donne aussi très envie de voyager. Pour la beauté des paysages, bien sûr, mais aussi pour la gentillesse des habitants sans oublier les spécialités culinaires, que l’auteur prend plaisir à préciser et détailler.

Reste que ce Karukera Gang n’est pas dépourvu de quelques maladresses qui sautent facilement aux yeux des amateurs de la langue française, de quelques tournures linguistiques surprenantes ainsi que de quelques excès que certains risquent de qualifier de machistes. Le plus flagrant : le malin plaisir que l’auteur prend à décrire les corps et surtout les poitrines de ses nombreux personnages féminins. Gaston Zangerlé s’explique : «Ce n’est pas macho, d’ailleurs, je décris aussi les tatouages de certaines personnes.» Puis il poursuit : «De nos jours, il faut aussi un peu de sexe dans un bon livre; et puis, aux Antilles on porte beaucoup d’attention aux rondeurs des femmes, à leurs fesses et leur poitrine. Et comme le principal marché pour ce livre c’est les Antilles… on a insisté sur cet aspect-là.»

Quoi qu’il en soit, pas besoin d’être antillais ni de vivre en Guadeloupe pour prendre du plaisir avec ce livre, d’autant plus que les quelques clins d’œil vers le Luxembourg sont un petit plus, sympathique et pertinent. Bref, ce Karukera Gang est une belle option de lecture, pas bien lourde et pas bien chère (8,45 euros).

Pablo Chimienti