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Un festival tout en « queer » au théâtre d’Esch

Premier rendez-vous, dans la Grande Région, consacré à la culture «queer», modèle qui défie les évidences du genre, de la sexualité, du désir et du corps.

C’est devenu l’un des mots les plus utilisés ces derniers temps, qui a le mérite de faire une synthèse parmi une multitude de qualificatifs déstabilisants, voire étranges (pansexuel, aromantique, LGBTQA+…). «Queer», c’est, à l’origine, une insulte homophobe habilement retournée à l’expéditeur. «Queer», c’est ensuite une manière de dire qu’il est temps de se débarrasser des cadres trop stricts, et que les normes dominantes soient déconstruites. «Queer», c’est enfin un appel militant à une certaine liberté identitaire, qu’elle soit sexuelle ou encore corporelle.

«Beaucoup de personnes n’ont pas encore une perception claire de ce que c’est», soutient logiquement Sandy Artuso qui, pédagogue, prévoit une séance de rattrapage sur trois jours (vendredi, samedi et dimanche), avec le «Queer Little Lies Festival», premier du nom. Elle poursuit : «L’idée, c’est de combattre les idées reçues, et surtout les déconstruire.» Pour ce faire, elle peut compter sur l’appui des activistes locaux, le collectif théâtral ILL (Independent Little Lies), le dernier du genre à Esch-sur-Alzette, au carrefour des questions sociales et toujours motivé à mettre un coup de pied dans la fourmilière.

Mélange des genres

Sa représentante, Jill Christophe, explique : «Transgresser les frontières politiques et artistiques, ça nous intéresse !» Non pas pour «choquer», mais au contraire, pour «susciter le débat». Des discussions qui, au Luxembourg, ont pris doucement racine, «contrairement à d’autres capitales comme Paris ou Berlin», à travers de micro-évènements artistiques – portés par Casino, le Trois C-L ou encore les Rotondes, terre d’accueil de l’association queer loox – et sociaux (samedi à Luxembourg, un collectif «queer» s’était joint à la manifestation contre la violence faite aux femmes).

«Tout part d’une scène très petite, alimentée surtout par des groupes autonomes et des initiatives individuelles», précise Sandy Artuso. Loin d’être un simple folklore, donc, la manifestation se veut ouverte et participative, avec des performances, ateliers, films et discussions qui remettent en question la pensée stéréotypée et normative, et qui défient les évidences présumées du genre, de la sexualité, du désir et du corps.

Mieux, pour porter cette «nouvelle identité en train de s’affirmer», les organisateurs s’appuient sur un multilinguisme débridé, et place leur élan fédérateur au cœur de la «Rainbow City» du Grand-Duché et son symbole emblématique qu’est le théâtre municipal «conservateur et bien propre», plus habitué aux vaudevilles et aux rigoureux triangles amoureux, mais qui change, lui aussi. Bref, «que toute le monde en profite !», conclut, enthousiaste, Sandy Artuso, déjà toute acquise au mélange des genres.

Grégory Cimatti