La vallée de Taira est une galerie à ciel ouvert dont les gravures réalisées il y a près de 3000 ans constituent l’épicentre de l’art rupestre chilien.
Le clou du spectacle de cette galerie rupestre à ciel ouvert, située à 3 150 mètres d’altitude, dans le nord du pays, est l’Alero Taira, site qui abrite une série de dessins de lamas. Cet animal, présent dans toute la région andine, fut durant des millénaires la principale source de richesse pour les habitants du désert le plus aride de la planète. Il était aussi sacrifié lors des différents rituels de la zone, notamment ceux en hommage à la Pacha Mama, la terre nourricière sacrée pour les Indiens.
Si 90 % des peintures, aux tons jaune ocre, blanc et rouge représentent des lamas – grands, petits en train de téter, en mouvement avec un sens de la perspective – les dessins reflètent aussi la diversité du désert, avec des renards, des autruches, des chiens, des perdrix ou des serpents.
Les quelques figures humaines représentées sont petites, comme si ces hommes, «cherchaient à passer inaperçus face à la grandeur de ces animaux si importants pour leur économie», décrypte l’archéologue José Berenguer, qui étudie depuis 35 ans ce site, qu’il estime être «le plus complexe d’Amérique du sud».
«Testament des grands-parents»
Découvertes en 1944 par l’archéologue suédois Stig Ryden, ces peintures ont entre 2 400 et 2 800 ans d’ancienneté. Mais Taira est avant tout une «célébration de la vie, un rituel de bergers voué à accroître leur cheptel dans un dialogue respectueux avec les divinités qui gouvernent le ciel et la terre», ajoute José Berenguer.
Il s’agit aussi d’un «testament des grands-parents», qui ne savaient ni lire ni écrire, souligne Rumualda Galleguillos, une des quelques indigènes qui vivent encore de l’élevage des lamas, comme ses ancêtres. La communauté indigène de Taira souhaite faire de ce site une destination touristique durable et régulée.
«Personne ne peut comprendre ce qui a été fait il y a 18 000 ans car ces peuples ont disparu. Ici, il est possible d’en saisir le sens car nous avons l’ethnographie et il y existe encore des personnes qui utilisent pratiquement les mêmes techniques que par le passé», assure José Berenguer, également conservateur du musée d’Art précolombien de Santiago.
Il y a 2 500 ans déjà, on scrutait le ciel dans le nord du Chili, région considérée comme le paradis actuel des astronomes. Les habitants de cette zone peu hospitalière étaient capables d’interpréter les étoiles pour domestiquer le désert et ses dangers, explique le livre L’Univers de nos grands-parents, un projet d’ethnoastronomie (interprétation des observations astronomiques passées) portée par l’observatoire ALMA et le musée archéologique Gustavo Le Paige.
À l’heure actuelle, l’ALMA est le plus grand radiotélescope de la planète, situé lui aussi dans le nord du Chili et géré par une association internationale entre l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Asie, en collaboration avec le Chili.
Taira se trouve sur un axe où s’alignent plusieurs sites sacrés : «L’œil de sable» du Sirawe, d’où les indigènes invoquaient la pluie, le Volcan San Pedro, la colline Colorada et la plaine de Cuestecilla.
Taira «a peu d’équivalents en termes de beauté et de complexité», affirme José Berenguer, qui espère dans un futur proche pouvoir candidater au patrimoine mondial de l’Unesco, à l’image d’autres cathédrale de l’art rupestre bien plus anciennes que sont les grottes d’Altamira, en Espagne ou celles de Lascaux, en France.
Le Quotidien/AFP