« L’enfer, c’est les autres ». La célèbre réplique de Jean-Paul Sartre dans sa pièce « Huis clos » s’applique parfaitement sur la route, où excès de confiance et autosatisfaction règnent en maître chez les conducteurs européens, selon une étude publiée vendredi.
Les automobilistes de onze pays (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Suède, Grèce, Pologne, Pays-Bas, Slovaquie) ont été interrogés sur leurs habitudes de conduite à l’occasion du 6e baromètre européen de la conduite responsable réalisé par Ipsos pour la Fondation Vinci Autoroutes.
Accros aux objets connectés
Pour la première fois, l’inattention au volant est identifiée par les Européens comme la première cause de la mortalité routière (54%), devant la conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants et la vitesse. Smartphones, GPS, kit mains libres, oreillettes Bluetooth : ces dernières années, les objets connectés sont venus polluer la conduite. Si la conscience des risques a progressé, les mauvais comportements perdurent.
Ainsi, si 97% sont unanimes pour juger qu’il est dangereux d’écrire des SMS au volant, ils sont près d’un sur quatre à le faire (24%). Interrogés sur ce paradoxe, « les conducteurs répondent qu’ils maîtrisent leur conduite et connaissent leurs limites ou ne pas avoir pensé au danger », observe Bernadette Moreau, déléguée générale de la fondation, dénonçant un « excès de confiance patent ». En effet, 11% des sondés concèdent avoir déjà eu ou failli avoir un accident après avoir utilisé leur téléphone au volant. « L’hyperconnexion est entrée dans les voitures depuis longtemps, mais ce qui est inquiétant c’est que ça continue, malgré les campagnes de sensibilisation », souligne la déléguée générale.
« Les conducteurs ont du mal à considérer que, dans leur voiture, ils doivent donner la priorité à la conduite ». Adeptes du Bluetooth, les Grecs et les Italiens (60%), ainsi que les Polonais, dont plus de la moitié paramètre son GPS au volant (57%), sont les plus indisciplinés, alors que Britanniques et Espagnols sont les plus prudents.
Insultes et menaces physiques
Le baromètre rappelle également « un élément universel », selon lequel « ce sont les autres qui conduisent mal tandis qu’on s’estime bon conducteur », observe Bernadette Moreau. Ainsi, quand ils jugent leur conduite, les Européens se disent « vigilants » (74%), « calmes » (57%) et « courtois » (28%). Très rares sont ceux qui concèdent être « stressés » (10%), « agressifs » (3%), « irresponsables » (1%) ou « dangereux » (1%). Des attitudes qu’ils attribuent en revanche volontiers aux autres conducteurs: 46% des sondés jugent leurs pairs « irresponsables », « stressés » (36%), « agressifs » (30%) et « dangereux » (28%). Cette autocomplaisance « se confronte toutefois à la reconnaissance de beaucoup de comportements dangereux », souligne Bernadette Moreau.
« Dès qu’on décortique un peu, les conducteurs deviennent plus honnêtes ». Ainsi, 92% des Suédois, friands de vitesse, admettent dépasser la limitation autorisée, les Français sont les champions de l’oubli du clignotant (61%), et près d’un Grec sur deux (45%) rechigne à attacher sa ceinture. Cette indiscipline chronique nourrit l’incivilité entre automobilistes, qui progresse à tous les niveaux selon le baromètre.
Ainsi, 53% des Européens disent klaxonner les conducteurs qui les énervent, en hausse de 7 points par rapport à 2017, un travers dont les Espagnols sont deux fois plus coutumiers (66%) que les Allemands (33%). Les automobilistes sont également plus nombreux à insulter leurs pairs (56%, +2 pts). Au jeu des noms d’oiseaux, les Grecs remportent la palme (71%), juste devant les Français (69%), alors que les Suédois sont les plus flegmatiques (32%). Enfin, les Européens hésitent de moins en moins à descendre de leur véhicule pour s’expliquer directement au bord de la route avec un autre conducteur (19%, +4 pts), une attitude déjà adoptée par plus d’un Polonais sur trois (36%), champions dans ce domaine.
LQ/AFP
Sondage réalisé par Ipsos du 25 février au 13 mars 2019 par internet auprès d’un échantillon de 12 418 personnes âgées de 15 ans et plus, dont 1 000 minimum dans chaque pays, selon la méthode des quotas.