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Toutes les « Jocondes nues » bientôt réunies dans une expo


D'après la science, la "Joconde nue" du Château de Chantilly "a bien été réalisée dans l'atelier du grand maître, avec sa participation probable". (photo AFP)

Sensuelles, énigmatiques, effrontées : une quarantaine de « Jocondes nues », aïeules ou héritières de la célèbre dame née dans l’atelier de Léonard de Vinci au XVIe siècle, seront réunies cet été pour une exposition exceptionnelle au domaine de Chantilly, près de Paris.

Cet événement organisé à l’occasion du 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci se déroulera du 1er juin au 6 octobre au domaine de Chantilly, qui abrite au nord de Paris le château du duc d’Aumale, grand collectionneur d’art au 19e siècle. L’exposition « prendra la forme d’une grande enquête policière immersive, expliquant pour la première fois le résultat des analyses scientifiques menées pendant plusieurs mois sur la ‘Joconde nue’ du musée Condé de Chantilly », explique le commissaire de l’exposition, Mathieu Deldicque.

« Elle va aussi réunir toutes les Jocondes nues » et descendantes possibles, soit une quarantaine d’oeuvres, dont six attribuées aux élèves de Léonard de Vinci, empruntées à des collections publiques et privées de plusieurs pays « pour pouvoir les comparer ». Les résultats des analyses avaient été dévoilés début mars : la « Joconde nue » du Château de Chantilly, chef-d’œuvre acquis par le duc d’Aumale (Henri d’Orléans, fils du roi Louis-Philippe) en 1862 et dont les origines ont longtemps été disputées, « a bien été réalisée dans l’atelier du grand maître, avec sa participation probable ».

« Pour comprendre la genèse de l’œuvre, éprouvée par le temps et plusieurs fois transformée, il fallait passer par la science », a expliqué le commissaire, présentant le détail des tests réalisés comme les études au microscope, à l’aide d’ultraviolets ou de réflectographie infrarouge. Le dessin, réalisé au charbon de bois et rehauts de blanc de plomb, représente une jeune femme androgyne coiffée à l’antique, cadrée à mi-corps, aux bras masculins mais aux seins ronds et dénudés. Observant le spectateur d’un air effronté, elle esquisse un léger sourire et pose à la manière de la célèbre Mona Lisa du musée du Louvre.

« Arbre généalogique » de Mona Lisa

L’œuvre est un « carton », grand dessin préparatoire, à taille de tableau, piqué de nombreux trous d’aiguille tout au long des contours afin de pouvoir reproduire la composition sur un autre support. Qualité de l’exécution, hachures typiques des dessinateurs gauchers, technique maîtrisée du « sfumato », qui était chère à l’artiste, contours retravaillés : les indices renvoyant à Léonard de Vinci sont nombreux. Le papier utilisé comporte aussi « un filigrane en forme d’ancre, répertorié notamment dans la Toscane de la fin du XVe siècle ». Très fragile, le carton avait été exposé pour la dernière fois dans les années 1990, et « succinctement » en 2014.

L’exposition permettra de comparer l’œuvre avec le portrait de Mona Lisa, qui a inspiré cette Joconde beaucoup plus érotique, la taille du dessin (74,8 cm sur 56 cm) et la position des mains étant extrêmement proches. Elle mettra aussi côte à côte, pour la première fois, cette « Joconde nue » et plusieurs de ses « filles », tableaux « probablement réalisés par des élèves à partir de la matrice »,

Léonard de Vinci « tire, lui, ses inspirations de l’Italie néoplatonicienne du XVe siècle, de ces courtisanes dénudées, intemporelles et sensuelles », dont l’un des pionniers fut Sandro Boticelli avec sa Simonetta Vespucci, qui sera présentée. « Nous allons tracer une sorte d’arbre généalogique retraçant les origines du dessin et son incroyable héritage » et permettant d’appréhender « la conception de la beauté de Léonard de Vinci : presque divine, ni masculine ni féminine, tendant vers l’idéalisation, l’universalité », s’enthousiasme Mathieu Deldicque.

LQ/AFP