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Toulouse, terre d’exil pour la mémoire du cinéma palestinien


Les morceaux de cette mémoire sont issus des bobines projetées au fil du temps par les sympathisants de la cause palestinienne, de Cuba au Vietnam en passant par l'Italie. (Photo : afp)

Des films réalisés entre 1960 et 1980 et incarnant la mémoire cinématographique palestinienne ont trouvé un refuge provisoire à la Cinémathèque de Toulouse, qui s’est fixé une triple mission de sauvegarde, de valorisation et de diffusion de ces œuvres.

Des scènes de la vie quotidienne, des entraînements militaires, un camp de réfugiés au Liban en 1976… Quarante courts et moyens métrages, aux formats 16 et 30 mm et au grain fatigué, ont traversé les remous de l’histoire et, au terme d’un parcours chaotique, ont finalement réussi à rejoindre les bords de la Garonne. Retour au début des années 1980 : l’Institut du film palestinien, installé à Beyrouth, où sont stockés une centaine de films militants, est bombardé par Israël en pleine guerre du Liban. Sa directrice, Khadijeh Habashneh, fuit le pays et laisse les bobines derrière elle. Depuis, cette femme, également cinéaste et militante féministe, n’a eu de cesse de reconstituer ce fonds.

Les originaux laissés dans la capitale libanaise ont disparu et c’est à partir des copies qui ont circulé dans le monde entier que Khadijeh Habashneh a pu mener son travail de reconstruction mémorielle, une œuvre qu’elle poursuit encore aujourd’hui, à 79 ans. Jointe par téléphone à Amman, en Jordanie, où elle vit, elle explique ce que représentent ces films : «Dans les années 1960, les Palestiniens ont un besoin vital de documenter la révolution, le quotidien. De laisser des traces. De se créer une mémoire.»

Le cinéma pour «accompagner la révolution»

«Le cinéma palestinien de l’époque répond à d’autres cinémas, notamment en Amérique latine et en Asie, et à l’idée selon laquelle le cinéma devait accompagner la révolution, avoir une fin politique», explique Hugo Darroman, auteur d’une thèse intitulée Le Cinéma de la révolution palestinienne, 1967-1982. Ces films, en grande partie produits par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), marquent «l’investissement d’un proto-État dans le cinéma palestinien, qui existait auparavant, mais sous des formes individuelles», précise ce chercheur.

Les morceaux de cette mémoire que Khadijeh Habashneh est tant bien que mal parvenue à rassembler sont issus des bobines projetées au fil du temps par les sympathisants de la cause palestinienne, de Cuba au Vietnam en passant par l’Italie, ou qui étaient conservées dans les bureaux internationaux de l’OLP. Des pellicules qui ont donc «beaucoup tourné et ont été endommagées par l’usage et le temps», souligne Victor Jouanneau, qui, à la Cinémathèque de Toulouse, a travaillé à leur numérisation. «On s’est dit que l’on n’allait pas effacer toutes les traces de leur circulation, qui font partie de leur histoire», dit-il.

C’est la première fois que le peuple palestinien se filmait lui-même

L’institution toulousaine, qui dispose des moyens techniques pour scanner les pellicules argentiques – ce qui n’est pas le cas de toutes les cinémathèques – a été séduite lorsqu’en 2018, Khadijeh Habashneh cherchait des partenaires pour conserver les bobines, alors stockées au Caire et dans les locaux de la représentation palestinienne, à Amman.

«Ces films documentent la lutte palestinienne. Cela faisait sens de les accueillir à Toulouse, car notre cinémathèque dispose historiquement d’un fonds très militant», explique son directeur, Franck Loiret, en référence notamment aux importantes archives de Mai 68 qui y sont conservées. «C’est la première fois que le peuple palestinien se filmait lui-même», s’enthousiasme-t-il pour décrire la valeur historique du fonds, ajoutant : «Le cinéma devient un moyen d’existence, de reconnaissance : on prend la caméra pour exister.»

Revenir un jour en Palestine

Sauvegarde, valorisation et diffusion de ces archives sont les trois missions que s’est fixée la Cinémathèque de Toulouse à leur égard. Le grand public a pu les découvrir dans la Ville rose au printemps, lors du festival Ciné Palestine. Et leur numérisation permet désormais de les faire voyager plus facilement. Elles ont déjà été projetées à Paris, Marseille et Londres, et sont désormais attendues au Maghreb et en Arabie saoudite.

Toulouse n’est en tout cas pour elles qu’une étape, l’idée étant qu’un jour, lorsque la situation le permettra et qu’une institution dédiée pourra les accueillir de manière pérenne, elles reviennent là où, pour la plupart, elles ont été tournées : en territoires palestiniens.

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