A l’ombre des Alpes, de l’urgence climatique et des désordres du monde: le Forum de Davos entamera mardi sa 50e édition avec le président américain Donald Trump et la militante du climat Greta Thunberg.
Le « World Economic Forum » (WEF), rassemblement feutré depuis 1971 des entrepreneurs et responsables politiques dans la station de ski des Grisons (Suisse), se voudrait un « centre de réflexion » sur l’avenir. Mais, comme tous les grands rendez-vous internationaux, il risque surtout de refléter les multiples fractures mondiales. Et quoi de mieux pour les illustrer que les deux invités vedettes de sa première journée mardi. Greta Thunberg, 17 ans, revient à Davos pour la deuxième année consécutive, pour sommer la communauté internationale et le monde des affaires d’agir face à l’urgence climatique. Y rencontrera-t-elle Donald Trump, avec qui elle multiplie les échanges tendus via Twitter, et à qui elle avait lancé lors de l’assemblée générale des Nations-Unis ce dur regard, immortalisé par une caméra?
Le président américain, qui était déjà venu à Davos en 2018, prononcera son discours le jour même où les sénateurs américains ouvriront son procès en destitution. En arrière-plan de son intervention, les tensions entre Washington et Téhéran, après l’élimination du général Soleimani à Bagdad, suivie de représailles et du crash d’un Boeing ukrainien abattu par erreur par l’Iran. Attendu initialement à Davos, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a finalement annulé, mais le président irakien Barham Saleh sera présent. Le Forum économique, qui dure jusqu’à vendredi, fera aussi le point sur les offensives commerciales et technologiques engagées par Washington. Quelques jours après la signature mercredi d’un accord commercial préliminaire sino-américain, marquant une trêve après deux années de tensions, le vice-Premier ministre chinois Han Zheng conduira à Davos une délégation officielle.
Désaccords sur la natures des problèmes
Entre autres grands patrons – notamment de la tech – plusieurs entrepreneurs chinois sont également attendus dans le comté des Grisons, dont Ren Zhengfei, l’emblématique fondateur de Huawei. Le géant des télécoms chinois a été banni des Etats-Unis, qui appellent leurs alliés à rompre avec lui, faisant craindre une « guerre froide technologique ». L’Europe sera représentée entre autres par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la chancelière allemande Angela Merkel. « Concernant le changement climatique et de nombreux conflits comme celui avec l’Iran, les Etats-Unis et les dirigeants européens ne sont pas d’accord sur les solutions à adopter, mais aussi sur la nature même des problèmes », observe Jeremy Shapiro, directeur de recherche du European Council on Foreign Relations (ECFR).
Pour les Européens, le climat est « un défi existentiel », alors que ce n’est qu’un « mensonge chinois » pour Trump, tandis que les positions diffèrent fortement sur l’Iran et l’accord de 2015 sur le nucléaire. « Rien ne laisse présager des bases solides pour élaborer des solutions communes aux épineux problèmes mondiaux », souligne Shapiro. La taxe numérique instituée par Paris est une autre pomme de discorde avec Washington. Le ministre français des Finances Bruno Le Maire rencontrera en marge du Forum le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.
« Enjeux clés pour l’humanité »
Dans un rapport dévoilé en amont du Forum, le WEF pointe parmi les « enjeux clés pour l’humanité » le mécontentement populaire face à l’absence de stabilité économique, le changement climatique, la perte accélérée de biodiversité ou encore l’accès inégal à Internet et aux systèmes de santé. « Le monde n’en peut plus d’attendre que le brouillard des incertitudes géopolitiques et économiques se dissipe (…) Choisir de tenir dans la période actuelle en espérant que le système «reviendra à la normale», c’est risquer de gâcher des fenêtres d’opportunités cruciales », note-t-il.
Pour autant, Donald Trump ne devrait pas modérer à Davos ses positions sur le commerce ou sa politique environnementale, anticipe Carlos Pascual, ancien diplomate américain devenu vice-président du cabinet IHS Markit. « Il devrait à cette occasion envoyer un message aux Américains, et non à la communauté internationale », a-t-il indiqué. Alors que Trump joue en novembre sa réélection, «l’objectif sera d’insister auprès des électeurs aux Etats-Unis que sa priorité numéro un en matière de politique internationale, reste toujours «America First» ».
LQ / AFP