Avec plus de 60 000 spectateurs pour cette saison «record», les Théâtres de la Ville poursuivent sur la voie du succès. Avec leur programmation 2016/17, qui fait part belle aux artistes nationaux à travers une douzaine de productions «maison», ils espèrent continuer à marier, avec brio, exigence, ancrage local et ouverture sur l’international.
Pas encore fini qu’il est déjà temps de se projeter… Mardi, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, pour qui la saison en cours n’est pas achevée – il reste notamment le «chantier» du premier TalentLAB début juin et Letters from Luxembourg, du duo Camarda-Tonnar sur l’actuelle crise migratoire – dévoilaient leur nouvelle programmation, attendue. C’est que les deux maisons, sous la direction sensible de Frank Feitler, se sont construites une jolie réputation, dépassant désormais les simples frontières du pays. Les preuves sont nombreuses. La plus parlante reste Antigone, créée à domicile avec deux monstres du théâtre : le metteur en scène Ivo van Hove et la comédienne Juliette Binoche.
Il s’agit donc, pour le nouveau venu Tom Leick-Burns, d’appuyer ces bonnes dispositions. En somme, profiter du vent favorable pour rapprocher les artistes du cru et talents émergents du Grand-Duché de ces ambitieuses créations, tout en leur donnant les moyens de s’épanouir sur scène. D’où cette généreuse ambition de mettre à l’affiche, pour 2016/17, une douzaine de productions – ou coproductions – nationales parmi les 66 spectacles proposés dès septembre, visant large, dans une habitude solidement ancrée (comédie musicale, danse, opéra, théâtre). Et encore, on ne compte pas toutes les réjouissances destinées aux plus jeunes spectateurs.
Le directeur confirme cette tendance, très «nation branding», vraie «mission de cœur» pour lui : «Le plus important reste le développement de ces coproductions « maison » qu’il s’agit d’appuyer. Et comme il y a trop peu de représentations ici, au Luxembourg, l’avenir est dans le partenariat à l’international. Si dans dix ans, on retiendra que j’ai fait quelque chose pour les artistes de la place, j’en serai très heureux.» Avant de voir si loin, sur scène, comme une illustration de ces propos, c’est Hervé Sogne qui, clope au bec et accoudé au piano, rejoue Serge Gainsbourg, promesse d’une prochaine pièce.
« Mamma Mia! » a cartonné
Certains diront que c’est toujours mieux que le disco archicoloré et nian-nian à la Mamma Mia !, spectacle phare du précédent exercice, qui avait valu au passage quelques railleries à Tom Leick-Burns pour sa prise de fonction. Mais les chiffres sont là, édictés par la bourgmestre Lydie Polfer – et présidente de la commission des Programmes – porte-voix d’une microvengeance qui se mange froide : 20 000 personnes sont en effet venues fredonner les tubes universels d’ABBA en fin d’année, permettant aux Théâtres de la Ville de battre leur record de fréquentation avec plus de 60 000 spectateurs enregistrés, soit 10 000 de plus qu’en 2015. La facilité a parfois du bon. Mais promis, on ne l’y reprendra plus !
Preuve en est avec cette affiche alléchante combinant les grands noms du théâtre et de plus modestes, des chorégraphes de haute facture et des spectacles de tout poil, sans oublier de nombreuses collaborations – dont la première avec l’Estro Armonico, qui fait partie de l’aventure La Bohème. Autant, donc, de «chantiers artistiques», selon la formule choisie par Lydie Polfer en référence à ceux qui poussent partout dans «sa» Ville, qui devraient faire du théâtre des Capucins l’antre «des jeunes talents» et du Grand Théâtre celui des plus confirmés, à l’instar d’Isabelle Huppert, dont l’hôte du jour a tout bonnement oublié de mentionner la venue (elle lira pourtant Sade, en novembre, dans Juliette et Justine, le vice et la vertu, présenté à Avignon en 2015). Il est tout excusé au vue de l’abondante programmation. Et cela appuie l’idée que les Théâtres de la Ville ont de moins en moins besoin d’effets de manche pour exister.
Grégory Cimatti
Défrichage en règle
Histoire d’y voir un peu plus clair sur cette nouvelle saison, Le Quotidien met en avant quelques pièces, opéras et spectacles de danse «incontournables».
COMÉDIE MUSICALE
Kiss Me Kate, de Cole Porter. Première collaboration avec le théâtre du Châtelet (Paris). Avec l’OPL, une touche de vaudeville et des accents shakespeariens.
OPÉRA
Svadba, d’Ana Sokolovic. Un opéra de chambre chanté (entièrement a capella) pour la première fois dans sa version européenne au festival d’Aix-en-Provence. Le coup de cœur avoué du directeur.
DANSE
Vollmond, de Pina Baush. Après Masurca Fogo en décembre 2015, le Tanztheater Wuppertal et sa chorégraphe reine reviennent avec une œuvre majeure.
Marie Chouinard : cette chorégraphe canadienne arrive pour la première fois au Luxembourg. D’abord à la tête de sa compagnie pour un exceptionnel Sacre du printemps et une relecture de Henri Michaux (Mouvements). Ensuite en tant qu’invitée des 7 doigts de la main, aux élans proches du cirque.
THÉÂTRE
Gainsbourg, Gainsbarre, faut voir… De et avec Hervé Sogne, qui se met dans la peau de l’Homme à tête de chou et à la gitane fumante.
En Tiger am Rousegäertchen. L’ancien directeur Frank Fietler revient chez lui (avec Marc Limpach) pour se moquer de l’OPA de Mitall sur Arcelor.
Phèdre(s). Un metteur en scène génial : Krzysztof Warlikowski. Une magnifique actrice : Isabelle Huppert. Que vouloir de plus…
Juliette et Justine, le Vice et la Vertu. Isabelle Huppert lit Sade. Émoustillant.
Les Autres. Jean-Louis Benoît, à travers quatre courtes pièces, fait comme Ettore Scola : nous faire rire avec ce qu’il y a de plus hideux chez l’homme. Les Évènements Différentes chorales du Luxembourg accompagnent Romane Bohringer. Ensemble, ils reviennent sur les pas du tueur Anders Behring Breivik.
Arthur Miller : le légendaire dramaturge, écrivain et essayiste américain est à l’honneur dans trois spectacles – The Crucible, Brooklyn Boy Made Good et Vu du pont. Cette dernière pièce est mise en scène par Ivo van Hove.
Ivo van Hove : demandé partout, et remarqué l’année dernière au Luxembourg pour sa création avec Juliette Binoche (Antigone), le metteur en scène revient au Grand Théâtre, d’abord avec Vu du Pont, puis avec Obsession, inspiré du film de Luchino Visconti, avec Jude Law sur les devants de la scène.