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Théâtres, cinémas, concerts : l’exception culturelle espagnole


La main sur le coeur, le ténor mexicain Javier Camarena, qui n'était pas monté sur scène depuis des mois, exprimait ainsi sa reconnaissance la semaine dernière devant le public du Théâtre Royal de Madrid (photo d'archives : AFP).

Dans un monde transformé par la pandémie, l’Espagne fait figure d’oasis culturelle. Car, contrairement à de nombreux pays européens, théâtres, cinémas ou salles de spectacles peuvent y ouvrir malgré la reprise galopante des contagions.

« Être ici devant vous, c’est une bénédiction, j’applaudis de toute mon âme l’effort fait dans ce pays pour défendre la culture ». La main sur le coeur, le ténor mexicain Javier Camarena, qui n’était pas monté sur scène depuis des mois, exprimait ainsi sa reconnaissance la semaine dernière devant le public du Théâtre Royal de Madrid.

Face à lui, 1.200 personnes – en costume ou manteau de fourrure mais masquées, bien souvent de FFP2 – ayant rejoint leur siège en suivant un fléchage minutieux après s’être laissé prendre la température.

Jauge réduite, écart entre les spectateurs, vestiaire et bars fermés, nouveaux systèmes d’aération, traçage des éventuels cas: sur la base d’un strict protocole sanitaire, les lieux culturels ont été autorisés à rouvrir l’été dernier, après un confinement des plus sévères, et le sont toujours en dépit de la reprise de l’épidémie, contrairement à la France ou à l’Allemagne par exemple.

Au prix d’un investissement parfois colossal pour les salles. Le Théâtre Royal, où l’on a pu apercevoir mi-septembre le roi et la reine, a ainsi dépensé « un million d’euros » notamment pour pouvoir désinfecter avec des rayons ultra-violets la salle, les loges et même les costumes.

Les artistes n’échappent pas aux nouveaux rituels: outre la distanciation et les cloisons de protection, les musiciens, régulièrement testés, portent tous un masque, instruments à vent exceptés.

« On peut et on doit » proposer ces spectacles

« On peut et on doit » proposer ces spectacles, insiste le ministre espagnol de la Culture, José Manuel Rodriguez Uribes, qui veut « prouver que la culture est un espace sûr ».

L’épidémie a toutefois forcé certaines salles à refermer temporairement comme l’opéra de Barcelone, le Liceu, en novembre.

Et entre couvre-feux, angoisse du public et difficultés économiques, nombre de lieux culturels n’ont pas pu rouvrir et luttent pour leur survie.

Selon Javier Olmedo, directeur de l’association « Noche en vivo », qui regroupe 54 salles de concerts dans la région de Madrid, « 80% (de ces 54 lieux) n’ont pas ouvert depuis le mois de mars ». « C’est un moment de désespoir », dit-il.

Plusieurs initiatives comme #ThéâtreSûr ou #LaCultureEstSûre ont été par lancées sur les réseaux sociaux afin de ramener le public dans les salles, en insistant sur le fait qu’aucun foyer ne s’y est déclaré.

Adjointe à la Culture de la région de Madrid, Marta Rivera de la Cruz concède que « les salles de musique pop, avec des concerts live (…) auront besoin, pour se remettre sur pied, du vaccin ».

En attendant, les autorités s’intéressent aux tests rapides. A Barcelone, 500 participants ont assisté à un concert debout, collés les uns aux autres mais masqués et testés dans le cadre d’une étude clinique menée en décembre. Huit jours après, aucun n’avait été infecté.

Une recette qui pourrait constituer « la solution la plus sûre pour relancer le divertissement », selon l’infectiologue Boris Revollo, à l’origine de cette étude.

« Il manque la sueur »

Au cinéma Renoir, en plein centre de Madrid, le micro de la guichetière, derrière sa vitre, crachote « salle 3, au fond après les escaliers ».

Risquée la toile? Pas pour Paloma Arroyo, 38 ans venue voir une rétrospective Wong Kar-Wai : « On a le masque, on ne parle pas. Les gens qui mangent des pop-corns, ça oui, c’est un peu dangereux », plaisante-t-elle, invoquant au-delà du virus, sa « santé mentale ».

Si les transports en commun sont considérés comme sûrs, les cinémas le sont encore plus, juge Pablo Blasco qui ne « comprend pas pourquoi dans les autres pays, cela n’est pas pareil ».

A quelques centaines de mètres, c’est aussi l’illusion du monde d’avant au « Café Berlin », qui a refermé récemment jusqu’à nouvel ordre. Lumières bleutées, musique puissante et enivrante mais interdit de se déhancher debout. Alors le public se dandine sur ses petits fauteuils de velours installés face au DJ qui s’active sur scène.

Un succédané, car comme le confie Maria Llorens, 20 ans, il manque « la fête, sentir les gens, être tous collés, la sueur ! »

AFP