Deuxième création de la saison du TOL, la pièce de Hanokh Levin La Putain de l’Ohio est proposée dans une mise en scène de Frédéric Frenay, avec Jean-Marc Barthélemy, Joël Delsaut et Sascha Ley.
C’est une pièce rare, sur laquelle on ne trouve pas énormément d’informations sur internet, que propose le TOL en ce mois de janvier : La Putain de l’Ohio, de l’Israélien Hanokh Levin. Montée en français pour la première fois en 2012 par Laurent Gutmann au théâtre de l’Aquarium à Paris, elle arrive au Grand-Duché dans une mise en scène de Frédéric Frenay.
« Ce soir c’est mon anniversaire, j’ai envie de me taper une pute. » D’entrée, la pièce de Hanokh Levin La Putain de l’Ohio annonce la couleur. Mais voilà, à 70 ans, la virilité défaillante de l’homme en décidera autrement. La fille de joie refuse de le rembourser. Ce sera alors le fils qui «héritera» de la prestation payée.
«C’est cru, très cru. Mais pas vulgaire !», assure le metteur en scène, Frédéric Frenay, à propos de cette pièce trop rare du dramaturge israélien disparu en 1999. «C’est cash, mais ce n’est pas sale», confirme de son côté le comédien Joël Delsaut, qui interprète, aux côtés de Jean-Marc Barthélemy, le plus ancien des personnages masculins. Et s’il est question de sexe consommé froid, sans aucun besoin de sentiment, la pièce n’a rien d’un vaudeville avec ses portes qui claquent.
Ici, de toute manière, il n’y a pas de portes. Au départ, il n’y a même pas vraiment de décor. Juste deux palettes et un lieu indéfini délimité par des murs en béton sur lesquels les personnages, tous dans un dépouillement total, peuvent écrire à la craie et ainsi «s’offrir» tout ce dont ils ont besoin. C’est donc là que ces père et fils SDF vont faire venir la péripatéticienne censée assouvir les désirs du septuagénaire.
«C’est intelligent, fin, bien écrit. Il y a de l’humour, c’est cru et caustique», note Frédéric Frenay, qui avait découvert l’auteur en 2009 alors qu’il participait, déjà avec Joël Delsaut et Jean-Marc Barthélemy, à la mise en scène de Funérailles d’hiver par Marion Poppenborg au théâtre des Capucins. «Ce que je recherche dans un texte à mettre en scène, c’est un message universel où tout le monde peut se retrouver», reprend celui qui a déjà mis en scène De dimanche en dimanche de Denise Bonal, Shirley Valentine de Willy Russell ou encore Escurial de Michel de Ghelderode. «Là, ça parle de sexe, d’argent, de mort, de l’existence, de conflit de générations… Et la situation d’épurement complet dans laquelle se trouvent ces personnages à la limite de la société, est, pour moi, une parabole supplémentaire d’universalité dans le sens où ça montre que ces thématiques se retrouvent dans toutes les couches sociales.»
Une pièce au message universel
Le message universel de la pièce est donc un des points qui ont donné envie à Frédéric Frenay de mettre en scène cette Putain de l’Ohio. La poésie du texte aussi bien que celle de ses personnages en est un autre. Le fait que «c’est le genre de pièce qui, après la représentation, te fait te poser des questions sur ta propre existence» en est un troisième.
Bien que souvent minables, les personnages font également preuve d’une grande humanité. L’auteur d’abord et le metteur en scène ensuite les mettent à nu. Au figuré, pas au propre : le coït, au contraire, reste visuellement très sobre. Et de nombreuses questions apparaissent. Jusqu’à quand a-t-on le droit de profiter de la vie? De tirer son coup? D’avoir des envies? Y a-t-il une date limite à tout ça? Si oui, laquelle? Si non, pourquoi la sexualité des seniors, leurs envies de nouvelles expériences sont-elles trop souvent perçues comme des sujets tabous?
Certains pourront également voir dans cette Putain de l’Ohio un certain machisme et des relations hommes-femmes pas vraiment avant-gardistes. «Pour moi, c’est accessoire dans la lecture de cette pièce», note Frédéric Frenay. «Le prostituée ne subit pas, elle gère son existence. Là, elle n’est pas un objet sexuel, mais un objet de désir», poursuit-il. Et la comédienne Sascha Ley de conclure : «Et puis, même si elle est sexiste, la pièce ne l’est pas plus que le monde.»
Bref, commencée comme une comédie légère, la pièce prend rapidement une tournure plus profonde où chacun est à la recherche de sa propre valeur. «C’est une pièce avec un premier degré, un deuxième degré, un troisième degré, etc., où chacun pourra trouver la profondeur qu’il veut», reprend le metteur en scène. «Plusieurs lectures sont possibles, et la forme de la pièce n’impose finalement aucune d’entre elles.» Au spectateur donc de se faire son idée. «On démarre avec deux clodos et une pute, mais on termine avec trois êtres humains. C’est ça qui est très fort», résume de son côté Joël Delsaut.
Pablo Chimienti
TOL – Luxembourg.
Ce jeudi soir et vendredi à 20 h 30. Puis les 26, 27 et 28 janvier, ainsi que les 1er, 2, 3, 10, 11, 15, 16 et 17 février à 20 h 30. Le 12 février à 17 h 30.